Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/418

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gna pas de Barnstable tant qu’il eut besoin d’être conduit à la lisière, et quand il obtint le grade de lieutenant, il fit son premier voyage en cette qualité sous les ordres de son brave cousin. Son âge mûr tint toutes les promesses de sa jeunesse ; il devint un marin actif, intrépide et entreprenant, et il serait probablement parvenu aux premiers grades de sa profession, s’il n’eût été tué dans un duel par un officier étranger.

Le premier soin du capitaine Manuel, dès qu’il eut remis le pied sur le sol qui l’avait vu naître, fut de chercher à rentrer dans l’armée de terre. Il y réussit assez facilement, et il fut bientôt en possession du plaisir après lequel son âme avait soupiré si longtemps, celui de faire faire l’exercice à sa propre troupe sur un terrain ferme. Il arriva assez à temps pour partager les succès qui terminèrent la guerre, et pour prendre aussi sa part des souffrances et des privations qu’éprouva notre armée. Il ne fut pas oublié lors de la réorganisation des forces américaines, et il suivit Saint-Clair et son plus fortuné successeur Wayne dans leurs campagnes occidentales.

Vers la fin du siècle, quand les Anglais abandonnèrent enfin la ligne des postes le long de la frontière, Manuel fut placé avec sa compagnie dans une petite citadelle située sur le bord d’un de ces grands fleuves qui marquent les limites du territoire des États-Unis du côté du nord. L’étendard britannique flottait sur les remparts d’une citadelle plus régulière récemment construite sur l’autre rive, précisément en face, et sur la frontière du Canada. Manuel n’était pas homme à négliger les règles de l’étiquette militaire, et ayant appris que le fort anglais était commandé par un major, il ne manqua pas d’aller lui rendre visite pour cultiver cette sorte de connaissance que leur situation respective rendait convenable et semblait devoir rendre agréable. L’officier américain n’avait pas songé à demander le nom du major, mais dans l’homme à face rouge, à figure joyeuse et comique devant lequel il fut introduit, il n’eut pas la moindre difficulté à reconnaître son ancienne connaissance de l’abbaye de Sainte-Ruth, le capitaine Borroughcliffe, quoiqu’il portât alors une jambe de bois.

Ces deux dignes personnages parurent également charmés de se revoir, et ils renouèrent avec un plaisir réciproque leur ancienne liaison, qui prit enfin un caractère si régulier qu’ils