Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/44

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Le bruit des poulies se fit entendre aussitôt, et la grande voile fut à l’instant déployée. Tout l’équipage, attendait en silence le résultat de cette manœuvre, osant à peine respirer, comme s’il eût pu fixer le destin du navire. Quelques opinions contradictoires furent enfin hasardées par les officiers. Griffith alors, saisissant une chandelle dans une lanterne, sauta sur un canon et l’éleva de toute la hauteur de son bras pour l’exposer à l’action de l’air. La petite flamme chancela d’une manière incertaine pendant quelques instants, et prit ensuite une direction perpendiculaire. Le lieutenant allait baisser le bras quand, sentant à la main une légère sensation de fraîcheur, il conserva la même attitude. La flamme alors se dirigea vers la terre, d’abord avec lenteur, puis plus vivement, et finit par s’éteindre.

— Ne perdez pas un instant, monsieur Griffith, s’écria le pilote à haute voix et avec vivacité ; carguez la grande voile et brassez partout, à l’exception de vos trois huniers, et que tous les ris en soient pris. Voici le moment de remplir vos promesses.

Le jeune lieutenant resta une seconde immobile de surprise en entendant le pilote s’exprimer d’une manière si claire et si précise. Jetant un coup d’œil sur la mer, il sauta sur le tillac, et ordonna la manœuvre indiquée, comme si la vie ou la mort de tout l’équipage eût dépendu de la promptitude qu’on apporterait à l’exécuter.


CHAPITRE V.


Elle va bien, mon garçon, elle va bien. Adieu au rivage.
Chanson.


L’activité extraordinaire de Griffith, qui se communiqua rapidement à tout l’équipage, était produite par un changement survenu tout à coup dans le temps. En place de la bande de lumière qu’on voyait à l’horizon, et dont nous avons déjà parlé, une masse immense semblable à un brouillard lumineux semblait s’élever à l’extrémité de l’Océan et s’avançait avec rapidité, tandis qu’un