Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/59

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d’écume et paraissant prêt à prendre son vol dans un autre élément.

Après avoir regardé un moment le beau spectacle qu’offrait la mer, et que nous avons tenté de décrire, Griffith jeta vers le ciel le coup d’œil d’un marin, pour en reconnaître l’apparence, et donna ensuite son attention à ce qui se passait sur la frégate. Son commandant, avec l’air calme qui lui était habituel, était debout, attendant l’exécution de l’ordre qu’il avait transmis par signal à l’Ariel, et à côté de lui était le pilote qui avait joué un rôle si remarquable la nuit précédente en ordonnant les manœuvres du vaisseau. Griffith profita du grand jour et de sa situation pour examiner cet être singulier avec plus d’attention que les ténèbres et la confusion ne lui avaient permis de le faire la veille.

C’était un homme un peu au-dessus de la moyenne taille ; mais il avait des formes athlétiques, et tous ses membres étaient parfaitement proportionnés. Une mélancolie pensive formait plutôt le caractère de sa physionomie que cette fermeté opiniâtre dont il avait donné de si fortes preuves pendant les dangers que la frégate avait courus, et qui, comme Griffith ne l’ignorait pas, pouvait aller jusqu’à l’impatience et la fierté. En comparant l’expression de ses traits en ce moment à ce qu’il avait vu à la lueur des lanternes, il y trouvait la même différence qu’entre le calme de l’Océan et le roulis des vagues. Les regards du pilote étaient fixés sur le tillac, et quand il les portait ailleurs, c’était par un coup d’œil rapide et inquiet. La grande jaquette d’un vert foncé qui lui servait de surtout était aussi grossièrement taillée et d’étoffe aussi commune que celle que portait le dernier des matelots du vaisseau. Et cependant les regards curieux du jeune lieutenant remarquèrent fort bien qu’elle avait un air de propreté, et qu’il la portait avec une aisance peu ordinaire chez les hommes de sa profession.

L’examen de Griffith n’alla pas plus loin, car l’approche de l’Ariel fit que chacun, sur le pont de la frégate, ne songea plus qu’à l’entretien qui allait avoir lieu entre les deux commandants.

Lorsque le schooner fut arrivé sous la poupe de la frégate, le capitaine donna ordre au lieutenant Barnstable de quitter son navire et de passer sur le sien. Dès que cet ordre eut été reçu, l’Ariel hala, et quand il fut placé à côté du grand vaisseau qui le mettait à l’abri du vent, on mit en mer la barque sur laquelle