Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/62

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gnation qu’il ne chercha point à cacher. Et qui peut faire courir ces bruits calomnieux, monsieur Griffith ?

— C’est le capitaine Manuel qui me le disait ce matin, répondit Griffith perdant l’envie qu’il avait eue de tourmenter un peu son compagnon, et prenant un air d’insouciance. Mais quant à moi, je n’en crois pas la moitié, et le suis convaincu que tous les yeux qui se trouvaient sur votre bord étaient bien ouverts la nuit dernière, quoique vous ayez pu dormir la grasse matinée.

— Oh ! pour ce matin, j’ai eu une distraction, j’en conviens. Mais je ne dormais pas, Griffith ; j’étudiais un nouveau registre de signaux, et il avait pour moi mille fois plus d’intérêt que tous ceux que je pourrais voir sur vos mâts depuis leur tête jusqu’à leur racine.

— Quoi ! auriez-vous trouvé les signaux des Anglais ?

— Non, non, répondit Barnstable en étendant la main pour saisir le bras de son ami. J’ai rencontré hier soir sur ces rochers une personne qui s’est montrée ce que je l’ai toujours crue, ce qui a fait que je l’ai aimée ; une jeune fille dont l’esprit est aussi vif qu’entreprenant.

— De qui parlez-vous ?

— De Catherine Plowden.

Griffith se leva avec un tressaillement involontaire en entendant prononcer ce nom. Le sang abandonna ses joues brûlantes et s’y reporta ensuite avec plus d’abondance. Cherchant à maîtriser une émotion qu’il semblait honteux de montrer même aux yeux de son meilleur ami, il se rassit presque au même instant, et reprit une apparence de sang-froid.

— Était-elle seule ? demanda-t-il.

— Seule ; mais elle m’a laissé cette lettre et ce petit livre qui vaut lui seul une grande bibliothèque.

Les yeux de Griffith se fixèrent sur le trésor auquel son ami attachait tant de prix, et sa main s’avança pour saisir avec empressement une lettre ouverte que Barnstable lui présentait. Le lecteur comprend déjà qu’il y reconnut l’écriture d’une femme, et que c’était le papier que Catherine avait remis la veille à son amant, pendant la courte entrevue qu’ils avaient eue sur les rochers. Griffith y lut ce qui suit.

« Espérant que la Providence peut me fournir l’occasion de vous voir un instant, ou les moyens de vous faire parvenir cette