Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/65

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depuis ce temps il a établi chez lui une sorte de garnison, sous prétexte de se défendre contre des maraudeurs semblables à ceux qui, dit-on, ont mis lady Selkirk à contribution.

« Maintenant comprenez-moi bien, Barnstable. Je ne veux pas que vous couriez le moindre risque pour vous rendre à terre, encore moins que vous vous exposiez à faire couler du sang. Vous n’en ferez rien si vous m’aimez ; mais comme il est bon que vous sachiez dans quelle espèce de prison nous nous trouvons, je vais tâcher de vous décrire le château et la garnison.

« L’édifice est entièrement construit en pierres, et il ne serait nullement facile d’y pénétrer. Il s’y trouve, à l’intérieur comme à l’extérieur, tant de tours et détours qu’il me serait impossible de vous en faire une description intelligible. Les chambres que ma cousine et moi nous occupons sont au troisième étage d’une aile que vous pouvez appeler une tour si vous avez l’imagination romanesque, mais qui dans le fait n’est pas autre chose qu’une aile. Plût au ciel que je pusse m’en servir pour m’envoler ! Si le hasard vous amenait en vue de cet édifice, vous reconnaîtriez nos chambres par trois girouettes enfumées qui couronnent trois tuyaux de cheminée, et parce que les fenêtres de cette partie du bâtiment sont assez souvent ouvertes. En face de nos fenêtres, à un demi-mille de distance environ, est un vieux bâtiment désert et en ruines, où l’on ne peut trouver que le couvert dans le peu de débris qui en restent, et qui est en grande partie dérobé à la vue par un petit bois. Or, j’ai préparé, d’après les explications que vous m’avez données autrefois, un assortiment de signaux composés de morceaux de soie de différentes couleurs, et un petit dictionnaire de toutes les phrases que j’ai cru pouvoir nous être utiles, et qui sont rangées par numéros avec la clé de chacune. J’en garde une copie, et j’en joindrai une autre à cette lettre ; par conséquent vous n’aurez besoin que de préparer vos signaux. Par ce moyen, si l’occasion s’en présente, nous pourrons du moins avoir ensemble quelques moments d’entretien agréable ; vous, du haut de la vieille tour en ruines, et moi de la fenêtre de mon cabinet de toilette, située à l’orient.

« À présent il faut que je vous parle de la garnison. Indépendamment du commandant, le colonel Howard, qui conserve toute la fierté de son ancienne profession militaire, nous avons pour sous-gouverneur ce fléau du bonheur de Cécile, Christophe Dil-