Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/68

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— Il faut que nous les enlevions toutes deux, dit Barnstable, oubliant son mécontentement aussi vite qu’il l’avait conçu, et cela avant que notre vieux commandant se mette en tête de s’éloigner de cette côte. Avez-vous ses instructions, ou en fait-il mystère ?

— Il est silencieux comme le tombeau. C’est la première fois que nous faisons voile ensemble sans qu’il me communique franchement le but de notre croisière ; il ne m’en a pas dit un seul mot depuis notre départ de Brest.

— C’est votre mauvaise honte qui en est cause. On voit bien que vous êtes du New-Jersey. Attendez que je me trouve bord à bord avec lui, et, sur mon honneur, ma curiosité obligée sur nos provinces de l’est saura tirer de lui tout ce que je veux savoir avant qu’il se passe une heure.

— J’en doute, répondit Griffith en riant ; ce serait un diamant qui voudrait en couper un autre. Vous le trouverez aussi fertile en évasions que vous pourriez être adroit dans un contre-interrogatoire.

— Quoi qu’il en soit, il m’en fournit l’occasion aujourd’hui. Je présume que vous savez qu’il m’a fait venir pour assister à une consultation qu’il veut avoir avec ses officiers sur des objets importants.

— Je l’ignorais, répondit Griffith en fixant ses yeux sur son ami avec surprise et attention. Qu’a-t-il donc à nous communiquer ?

— Faites cette question à votre pilote ; car tandis qu’il me parlait ainsi, notre vieux commandant ne faisait que tourner les yeux vers lui, comme s’il en eût attendu des signaux pour manœuvrer.

— Il y a dans cet homme et dans notre liaison avec lui un mystère que je ne puis pénétrer, dit Griffith. Mais j’entends la voix du capitaine Manuel qui nous appelle. On nous attend dans la cabane. Souvenez-vous de ne pas quitter le vaisseau sans me revoir.

— Comptez-y bien, mon cher ami. Après la consultation publique, il faut que nous ayons une consultation privée.

Ils se levèrent tous deux. Griffith, ôtant son surtout du matin, passa à la hâte son uniforme, et prenant en main une épée qu’il tenait négligemment, il monta avec son ami sur le pont de la principale batterie, et tous deux entrèrent avec le cérémonial convenable dans la grande cabane de la frégate.