Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/76

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Il fixa ses yeux sur ceux de Griffith, et parut vouloir y lire jusqu’à ses plus secrètes pensées. Cette étude ne fut cependant pour lui que l’affaire d’un instant, après quoi on put remarquer sur ses lèvres une légère contraction ; mais il eût été difficile de dire si c’était un signe de dédain ou un effort pour cacher un sourire. Il alla se rasseoir tranquillement à la place qu’il occupait auparavant.

— Il est plus que probable que vous ne vous trompez pas, Monsieur, dit-il, et si je pouvais me permettre de donner un avis au capitaine Munson, ce serait de bien méditer le vôtre.

Griffith se retourna pour voir si l’expression des traits du pilote était d’accord avec les paroles qu’il venait de prononcer ; mais sa figure était entièrement cachée par ses deux mains qui soutenaient sa tête, tandis qu’il semblait continuer à examiner avec attention la carte déployée devant lui.

— J’ai dit, Monsieur, continua Griffith en s’adressant à son commandant, que je ne suis entièrement d’accord ni avec M. Barnstable, ni avec le capitaine Manuel. Le commandement de cette expédition m’appartient, comme étant le plus ancien officier sur ce bord, et il doit m’être permis de le réclamer. Je ne crois pas que tous les préparatifs dont nous a parlé le capitaine soient nécessaires ; mais je pense aussi qu’il est à propos de prendre un peu plus de précautions que M. Barnstable ne semble se le proposer. Comme nous pouvons rencontrer des soldats, il faut que nous ayons des soldats à leur opposer ; mais comme il s’agit d’un coup de main de marine, et non d’évolutions régulières, c’est un marin qui doit commander. Ma demande m’est-elle accordée, capitaine ?

— D’autant plus volontiers, Monsieur, répondit le commandant sans hésiter, que j’avais dessein de vous charger de ce service. Je suis charmé de voir que vos désirs soient d’accord avec les miens.

Griffith eut peine in dissimuler le plaisir que lui faisait éprouver ce que venait de dire son commandant, et ce fut avec un sourire de satisfaction qu’il ajouta :

— Chargez-moi donc de toute la responsabilité, Monsieur. Je vous demande de mettre sous mes ordres le capitaine Manuel et vingt soldats de marine, si ce service ne lui répugne pas (le capitaine inclina la tête pour indiquer son consentement, et jeta un regard de triomphe sur Barnstable). Je prendrai le cutter de la