Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/214

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— Sans nul doute, ma chère, dit l’avocat, au moment où avec sa gentille compagne il quittait la maison à cette heure avancée de la nuit ; nous ne reverrons plus Marie Monson.

— Ne plus la revoir ! Je serais désolée, très-désolée de le penser, Monsieur !

— Ce n’est pas une sotte, elle veut suivre l’avis de Timms. Cet individu lui a écrit une lettre énergique, ne s’attendant pas, j’imagine, à ce qu’elle serait vue, dans laquelle il lui signale une nouvelle source de danger, et engage vivement sa cliente à se cacher. En cela je reconnais aisément le pouvoir de l’amour ; car si cette lettre était mise au jour, elle pourrait lui causer de grands embarras.

— Et vous supposez, Monsieur, que Marie Monson a l’intention de suivre son avis ?

— Cela ne fait pas doute. C’est une femme non seulement très-instruite, mais très-rusée. Cette dernière qualité est celle que j’admire le moins en elle. Je serais à moitié amoureux d’elle, (et c’était l’état exact des sentiments du conseiller à l’égard de sa cliente, en dépit de ses bravades et de son discernement prétendu) s’il n’y avait ce défaut, que je trouve peu de mon goût. Je suis convaincu qu’on vous envoie chez vous pour être sous la garde de votre mère, à qui vous appartenez de droit ; et moi, on m’a éloigné pour m’arracher aux désagréments et aux peines d’une accusation de félonie.

— Je crois que vous ne comprenez pas Marie Monson, oncle Tom (c’est le nom que depuis longtemps Anna donnait au parent de son ami, sans doute par anticipation du jour où cette dénomination serait juste). Elle est loin d’être telle que vous la jugez ; elle se ferait plutôt un point d’honneur de rester et d’affronter n’importe quelle accusation.

— Elle doit avoir des nerfs d’acier, pour affronter la justice dans un cas comme le sien et dans l’état actuel du sentiment public dans le Dukes. La justice, ma chère, est une jolie chose, quand on en parle ; mais nous autres vieux praticiens nous savons qu’elle n’est pas grand’chose de plus, entre les mains humaines, que la manipulation des passions humaines. Depuis quel-