Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/218

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— J’ai compris que la voiture qui nous a attendues à une demi-lieue de Bibérry est celle de madame Monson.

— Madame ! interrompit Dunscomb. C’est alors une femme mariée ?

Anna baissa les yeux, trembla, et sentit qu’elle avait trahi un secret. Cette communication que lui avait faite Marie Moulin avait tant de prix à ses yeux, qu’elle dominait toutes ses pensées ; elle lui échappa en ce moment sous l’empire d’une impression qu’elle ne put maîtriser. Il était trop tard, toutefois, pour revenir sur ses pas, et un instant de réflexion lui apprit qu’il valait mieux de toute manière avouer ce qu’elle savait, sur ce point, du moins.

Ce ne fut pas long ; car les renseignements mêmes de Marie Moulin étaient très-limités. Cette Suissesse avait précédemment connu la prisonnière sous un autre nom ; sous quel nom, elle ne voulait pas le révéler. C’était en Europe, où Marie avait passé trois ans au service de cette mystérieuse personne. Marie, après la mort de sa mère était venue en Amérique, mais ne pouvant trouver sa première maîtresse, elle entra au service de Sarah Wilmeter. Marie Monson était demoiselle et n’était pas fiancée, quand elle quitta l’Europe. Tel fut le rapport de Marie Moulin. Mais il était bien entendu qu’elle était mariée ; avec qui ? c’est ce qu’elle ne pouvait dire. Si Anna Updyke en savait plus, elle ne le révéla pas à cette entrevue.

— Ah ! voici un nouveau cas de séparation d’une femme d’avec son mari, interrompit Dunscomb, et je suis sûr qu’on trouvera quelque article dans ce maudit Code pour la maintenir dans sa désobéissance. Vous avez bien fait de vous marier, mistress Mac-Brain ; car, d’après les opinions modernes en ces matières, au lieu de vous pourvoir d’un seigneur et maître, vous ne vous êtes assuré qu’un serviteur en chef.

— Une femme de cœur ne peut jamais considérer son mari sous un jour si dégradant, répondit la nouvelle épouse avec feu.

— Cela ira bien trois jours ; mais attendez la fin de trois ans. Nous en avons sur toutes les routes de ces femmes qui fuient un mari abhorré ! L’une ne peut souffrir son mari parce qu’il fume ;