Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/247

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abaissaient l’orgueil aristocratique au niveau des droits de la masse, prouvant que c’était un pays libre, par l’une des plus viles procédures qui aient jamais empoisonné les sources mêmes de la justice. Dans l’autre on avait persuadé aux agents de Timms qu’ils travaillaient en faveur d’une femme persécutée et outragée, que poursuivait l’avarice bien connue du neveu des Goodwin, et qui courait le danger de devenir la victime d’une suite de circonstances qui l’avaient jetée dans les filets de la loi. Ce raisonnement, il est vrai, était appuyé par de libérales gratifications, qui, néanmoins, étaient faites de manière à passer pour une juste rémunération de services empressés.

Les hommes de Williams, réussissaient mieux avec la masse. Ils s’adressaient à des préjugés aussi étendus que la domination de l’homme ; et une sorte de zèle personnel se mêlait à leur cupidité. Ils avaient du reste la tâche la plus facile. Celui qui ne fait que servir les mauvais principes de notre nature, pourvu qu’il cache son jeu, est plus sûr de trouver de bénévoles auditeurs que celui qui cherche à soutenir le bien. Une histoire des plus extraordinaires circulait dans la buvette aux dépens de l’accusée, et obtenait d’autant plus de crédit qu’elle s’écartait des voies battues, et semblait n’avoir aucun caractère de mensonge.

Marie Monson, disait-on, était une héritière avec de belles relations, bien élevée. Elle avait été mariée à un homme dont la position sociale, la fortune, la réputation équivalaient à la sienne, mais beaucoup plus âgé qu’elle (trop âgé même, ajoutait l’histoire ; car une grande différence d’âge, quand l’une des parties est jeune, nous fait blâmer trop sévèrement les goûts réciproques), et cette union n’avait pas été heureuse. Elle avait été formée à l’étranger, et plus d’après les principes étrangers que d’après ceux d’Amérique, le mari étant Français. C’était ce qu’on appelle un mariage de raison, fait par l’entremise d’amis et de tuteurs, plutôt que par les sympathies et les sentiments qui seuls doivent porter un homme et une femme à conclure la plus intime des unions. Après un an de mariage à l’étranger, le couple mal assorti était venu en Amérique, où la femme possédait une immense