Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/350

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propre vie serait en danger, et cela dans des circonstances qui ne rendaient nullement cette mesure nécessaire ? Puis tous les faits concernant la résidence et les habitudes de Marie Monson parlaient en sa faveur. Pourquoi serait-elle demeurée si longtemps dans le cottage, si son dessein n’avait été que de voler ? L’idée de la faire appartenir à une bande qui l’avait envoyée à la découverte pour l’exécution de ses plans était absurde ; car qui aurait empêché un homme de cette troupe d’exécuter ces crimes d’une manière plus expéditive et sans la moindre perte de temps ? Non, si Marie Monson était coupable, sans aucun doute elle l’était pour son compte ; elle avait agi dans un but incertain et avec une main de femme. Le jury devait écarter toute idée de complicité et ne tenir compte des dépositions que pour ce qui regardait les actes de l’accusée. Des complices, surtout de la nature qu’on les supposait, auraient beaucoup simplifié toutes ces misérables menées, ils eussent rendu inutiles le meurtre et l’incendie ; les hommes hardis et forts ne commettent ces crimes que quand la résistance les y oblige. Évidemment il n’y avait pas eu de résistance, comme le démontrait la position où les squelettes avaient été trouvés. Si un meurtre avait été commis directement, ce devait être par suite du coup qu’on remarque sur les têtes, et on priait le jury de considérer si une femme délicate comme Marie Monson avait même la force physique nécessaire pour frapper un tel coup, avec quelque instrument qu’il fût donné. On n’avait rien trouvé près des cadavres, et aucun preuve d’un pareil coup n’était devant le jury. Un témoin avait déclaré que le soc d’une charrue gisait près des restes, et on avait montré que Pierre Goodwin gardait de semblables objets dans un grenier au-dessus de sa chambre à coucher. Il avait insinué la possibilité que le feu eût commencé dans ce grenier où aboutissait le tuyau d’un poêle. Selon lui, il pouvait se faire que le feu eût consumé les poutres du plancher, et que le soc de la charrue fut alors tombé et eut frappé les têtes du couple endormi d’un coup qui les aurait étourdis, s’il ne les avait pas tués, les rendant ainsi incapables de se soustraire à l’action de l’élément destructeur.