Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/44

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dans sa maison par un sentiment de devoir général, mais nullement poussée par un intérêt particulier ou individuel pour sa position : elle lui était aussi inconnue qu’à tout autre dans le village.

— Voulez-vous avoir la bonté de nous dire votre nom, l’endroit de votre résidence ordinaire et voire occupation habituelle ? demanda le coroner d’un ton sec et froid, après toutefois avoir offert un siège au témoin par déférence pour son sexe.

Si la figure de Marie Monson était pâle un moment auparavant, elle devint alors écarlate. La teinte du ciel, dans une soirée du mois d’août, quand des rayons de feu embrasent l’horizon, est à peine plus brillante que ne le fut celle qui remplaça sur ses joues la pâleur première. Elle ne voulait pas plus dire son vrai nom qu’en donner un faux sous la solennelle responsabilité d’un serment. Dunscomb comprit l’alternative où elle se trouvait.

— Comme membre du barreau, j’interviens en faveur du témoin, dit-il en se levant ; selon toute évidence, elle est ignorante de sa véritable position ici, et conséquemment de ses droits. Jack, procurez-vous un verre d’eau pour la jeune dame ; — et jamais Jack n’obéit avec plus de vivacité à une injonction de son oncle. — Un témoin ne peut convenablement être traité comme un criminel ou comme suspect sans être informé que la loi n’exige pas de lui, dans de semblables circonstances, des réponses qui puissent le compromettre.

Dunscomb avait plus écouté ses sentiments que ses connaissances légales en faisant cette objection, d’autant plus qu’on n’avait pas encore adressé à Marie Monson une question bien insidieuse. Le coroner le comprit, et ne manqua pas de faire entendre qu’il sentait toute la faiblesse de l’objection.

— Les coroners ne sont pas précisément astreints aux mêmes règles que les magistrats ordinaires, fit-il observer tranquillement, quoique nous respections également les règles de l’évidence. Nul témoin n’est tenu, dans une enquête, de répondre à une question qui puisse l’incriminer. Si la dame déclare qu’elle ne désire pas dire son vrai nom, comme pouvant l’incriminer, je