Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/64

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— Oui, en tant qu’il faut donner au peuple tout le pouvoir dont il peut faire un usage utile et intelligent ; mais non jusqu’à lui permettre de faire les lois, d’exécuter les lois, d’interpréter les lois. Tout ce dont le peuple a besoin, c’est d’un pouvoir suffisant pour sauvegarder ses libertés. Il vaudrait bien mieux pour lui et pour l’État, avoir exclusivement le choix d’agents principaux, sur le caractère desquels il peut connaître quelque chose, et conférer ensuite les autres pouvoirs à ceux que nommeraient les principaux agents, sous une responsabilité sévère. Quant aux juges, ils auront bientôt un caractère politique, et les hommes les accuseront et les défendront avec le même aveuglement qu’ils le font aujourd’hui à l’égard de tous les autres chefs politiques. Avec nos élections de juges et nos élections de jurés, nous aurons bientôt un pandémonium légal.

— Cependant il y en a encore qui croient que le jugement par jury est le palladium de nos libertés.

Dunscomb rit à gorge déployée, car il se rappelait sa conversation avec les jeunes gens, conversation que nous avons déjà rapportée. Puis, mettant fin à cet accès d’hilarité, il reprit d’un air grave :

— Oui, un ou deux journaux bien payés avec les épargnes de cette jeune fille, lui feraient plus de bien que tous mes services. J’imagine que les articles publiés aujourd’hui, ou qui vont bientôt l’être, laisseront contre elle de fortes préventions.

— Pourquoi ne pas payer un journaliste aussi bien qu’un avocat ? eh ! Tom. Il n’y a pas grande différence, à ce que je puis voir.

— Si fait, vous pouvez le voir, et vous le verrez, des que vous examinerez la question. Un avocat est payé pour un secours connu et autorisé, et le public reconnaît en lui un homme engagé dans les intérêts de son client, et accepte en conséquence ses assertions et ses efforts. Mais le directeur d’un journal public établit sa prétention à une stricte impartialité, dans l’exercice de sa profession, et il ne devrait avancer rien que ce qu’il croit la vérité, sans inventer ni supprimer. Dans ses actes, il n’est qu’un rapporteur ; dans son raisonnement, c’est un juge et non un avocat.