Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/138

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mais de nouvelles attaques étant survenues en ce moment, il se tourna vers les soldats, leur parla d’un ton martial et encourageant, et ils coururent contre leurs ennemis en poussant de grands cris. Les Américains n’étaient pas encore assez disciplinés pour résister à une charge à la baïonnette, et ils cédèrent toujours, quoique non sans se défendre.

L’avant-garde s’étant remise en marche, Lionel se détourna pour contempler la scène qu’il laissait derrière lui. Depuis deux heures on marchait en combattant presque sans interruption, et il n’était que trop évident que les forces des Américains augmentaient à chaque instant, et que leur audace croissait comme leur nombre ; des deux côtés de la route, sur les lisières de chaque bois, derrière toutes les haies, toutes les maisons, toutes les granges, des décharges d’armes à feu partaient continuellement, tandis que le découragement se mettait parmi les Anglais, et que leurs efforts devenaient plus faibles de moment en moment. Des nuages de fumée s’élevant sur la vallée dont on venait de sortir, et se mêlant à la poussière occasionnée par la marche, plaçaient un voile impénétrable devant les yeux ; mais lorsque le vent l’entrouvrait, on apercevait tantôt des soldats anglais divisés par pelotons et épuisés de fatigués, tantôt repoussant une attaque avec courage, tantôt cherchant à éviter le combat, avec un désir mal dissimulé de changer leur retraite en fuite.

Le major Lincoln, quelque jeune qu’il fût, connaissait assez sa profession pour voir qu’il ne manquait aux Américains qu’un concert d’opérations et l’unité du commandement, pour effectuer la destruction totale du corps anglais. Les attaques se faisaient avec ardeur ; on combattait quelquefois corps à corps, et le sang coulait des deux côtés ; mais la discipline des troupes anglaises les mettait en état de se défendre encore contre cette guerre d’escarmouches. Enfin ce fut avec un plaisir qu’il ne put cacher que Lionel entendit partir des premiers rangs de l’avant-garde des cris de joie annonçant qu’un nuage de poussière, qu’on voyait en face, était produit par la marche d’une brigade d’élite de l’armée anglaise, qui arrivait fort à temps à leur secours, sous les ordres de l’héritier de la maison de Northumberland. Les Américains se retirèrent quand les deux corps furent sur le point de faire leur jonction, et l’artillerie qu’amenaient les troupes fraîches, tonnant contre les colons dispersés, procura quelques minutes de repos à