Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/152

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air étonné, il n’y a donc ici de faveur à espérer pour aucun de ceux qui portent les armes pour le roi ? Il faut qu’il y ait une étrange liaison entre Cupidon et Mars, entre l’amour et la guerre ! Après m’être battu toute la journée comme un Sarrasin, un Turc, un Gengiskan, en un mot comme un païen, j’arrive ici bien déterminé à faire à cette petite sorcière de traîtresse l’offre de ma main, de mon cœur, de ma commission et de Polwarth-Hall, et elle m’accueille en fronçant les sourcils, et avec des sarcasmes aussi mordants que les dents d’un homme affamé ! Mais quels yeux elle a, et quelles belles couleurs quand elle est un peu animée ! Ainsi donc, Lionel, vous avez aussi été traité comme un dogue ?

— Comme un fou que je suis ; répondit Lionel en doublant le pas ; et son compagnon essoufflé, s’épuisant, en efforts pour le suivre, fut hors d’état de prononcer un seul mot de plus avant qu’ils fussent arrivés à leur destination. Là, à la grande surprise des deux officiers, ils trouvèrent une compagnie que ni l’un ni l’autre ne s’attendait à voir. Mac-Fuse, placé devant une petite table, dirigeait une attaque très-vive contre quelques viandes froides, restes du repas de la veille, et arrosait à ses morceaux en buvant à grands traits le meilleur vin de son hôte. Dans un coin de la chambre Seth Sage était debout, les mains liées avec une longue cordes qui aurait pu au besoin servir de licou. En face du prisonnier, car telle était la situation de Sage, était Job, imitant la conduite du capitaine de grenadiers, qui lui jetait de temps en temps quelques fragments de son dîner, dont l’idiot faisait son profit. Meriton et les domestiques de la maison attendaient les ordres qu’on pourrait leur donner.

— Que se passe-t-il donc ici ? demanda Lionel en regardant cette scène d’un air étonné. De quelle faute M. Sage s’est-il rendu coupable pour qu’il soit ainsi garrotté ?

— De la petite faute de haute trahison et de meurtre, répondit Mac-Fuse ; si tirer un coup de fusil à un homme, avec la bonne intention de le tuer, doit s’appeler meurtre.

— Non, non, dit Seth en levant les yeux qu’il avait tenus jusqu’alors qu’alors fixés sur le plancher dans un profond silence ; pour qu’il y ait meurtre, il faut avoir tué avec intention de tuer, et…

— Écoutez-moi ce drôle, expliquant les lois comme s’il présidait la cour du banc du roi ! s’écria Mac-Fuse en l’interrompant.