Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/222

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son uniforme attira l’attention d’un paysan qui se mourait, et l’Américain rassembla un reste de force pour immoler encore une victime aux mânes de ses compatriotes ; le coup partit, et Lionel tomba sans connaissance sous les pieds des combattants.

La chute d’un simple officier dans un pareil moment était une circonstance à peu près indifférente, et plusieurs détachements passèrent sur lui sans qu’un seul homme se baissât pour voir s’il respirait encore. Lorsque les Américains furent parvenus à se dégager, ils descendirent légèrement dans la petite vallée qui s’étendait entre les deux collines, emportant la plupart de leurs blessés, et ne laissant que peu de prisonniers entre les mains de leurs ennemis. La disposition du terrain protégea leur retraite ; les boulets passaient au-dessus de leurs têtes, et lorsqu’ils furent arrivés sur Bunker-Hill, l’éloignement fut alors pour eux un nouveau motif de salut. Voyant qu’il n’y avait plus d’espoir de se défendre, les paysans retranchés derrière les palissades abandonnèrent aussi leur position, et se retirèrent derrière le sommet de la colline adjacente. Les soldats les suivirent de loin en poussant de grands cris ; mais lorsqu’ils eurent enfin gravi Bunker-Hill, les Anglais fatigués furent obligés de faire halte, et ils virent les Américains intrépides, bravant le feu continuel de la canonnade, traverser de nouveau l’étroit passage sans avoir perdu presque aucun des leurs, comme si un charme était attaché à leur vie.

Le jour tirait à sa fin, on ne voyait plus d’ennemis. Les vaisseaux et les batteries cessèrent leur feu, et bientôt cette plaine si longtemps ébranlée par tant de commotions terribles rentra dans le plus profond silence. Les troupes commencèrent à fortifier la hauteur sur laquelle elles s’étaient arrêtées, afin de s’assurer la possession de leur stérile conquête, et il ne resta plus rien à faire aux lieutenants du roi que d’aller gémir de leur victoire.