Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les fois que le hasard voulait qu’ils rencontrassent quelques officiers de l’armée royale. L’aspect de miss Dynevor était plus conciliant, et elle avait même quelquefois l’air assez gracieux pour s’attirer les reproches de sa cousine quand elles se trouvaient tête à tête.

— Sûrement, Cécile, vous oubliez tout ce que souffrent nos pauvres compatriotes, dans leurs misérables logements hors de la ville, sans quoi vous seriez moins prodigue de politesses envers ces pavillons de l’armée, lui dit un jour miss Danforth avec un peu d’humeur, en rentrant après une de ces promenades pendant laquelle elle croyait que sa cousine avait contrevenu à cette convention tacite, par laquelle la plupart des femmes des colonies se croyaient obligées de montrer à leurs oppresseurs tout le ressentiment féminin. Si un chef de notre armée se fût présenté à vous, vous n’auriez pu le recevoir avec un sourire plus obligeant que celui que vous venez d’accorder à ce sir Digby Dent !

— Je n’ai rien à dire en faveur de mon sourire, ma sérieuse cousine ; mais ce sir Digby Dent est un gentilhomme.

— Un gentilhomme ! tout Anglais qui porte un habit écarlate et des épaulettes ne prétend-il pas l’être, et ne se croit-il pas le droit de prendre de grands airs aux colonies ?

— Comme j’espère avoir quelques prétentions à porter moi-même le titre de lady, je ne sais pas pourquoi, dans le peu de relations que nous avons avec lui, je ne lui témoignerais pas de la politesse.

— Cécile Dynevor ! s’écria Agnès l’œil étincelant, et devinant avec l’instinct d’une femme a quoi sa cousine faisait allusion, tous les Anglais ne sont pas des Lionel Lincoln.

— Et le major Lincoln n’est pas Anglais, répondit Cécile en souriant et en rougissant ; mais j’ai quelque raison pour croire que le capitaine Polwarth a droit à ce titre.

— Fi donc, Cécile ! Fi donc ! Le pauvre homme a été bien puni de sa faute, et il doit inspirer la pitié.

— Prenez-y garde, cousine : la pitié est proche parente de sentiments plus tendres, et si vous la laissez une fois entrer dans votre cœur, vous pourrez bien en ouvrir la porte à toute la famille.

— C’est exactement le point en question, Cécile. Parce que