Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/273

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faisait quelques changements à sa toilette, nous suivrons son prétendu qui se rendait chez le docteur Liturgy.

Le major Lincoln trouva les rues tout à fait désertes. La nuit cependant n’était pas obscure, car la pleine lune se faisait jour à travers les nuages que la tempête chassait devant elle en masses noires et menaçantes, qui contrastaient d’une manière bizarre et pittoresque avec la neige qui couvrait le haut des collines et les bâtiments de Boston. Par moments, un coup de vent plus violent que les autres détachait toute la neige amoncelée sur quelque toit, et formait une espèce d’avalanche qui menaçait d’engloutir le malheureux passant. En tourbillonnant autour des hautes cheminées et des tourelles, l’ouragan faisait entendre un long et triste sifflement ; puis l’élément paraissait calmé comme s’il eût épuisé toute sa furie, et que l’hiver, après s’être efforcé de maintenir son empire, eût été contraint de céder à l’influence du printemps.

Lionel se fraya un chemin à travers la neige, trop profondément absorbé dans ses pensées pour remarquer les variations de l’atmosphère. Tantôt il songeait au motif de la visite qu’il allait rendre, tantôt à la coïncidence bizarre des circonstances qui avaient concouru à lui donner un air de mystère. Une ou deux fois une idée pénible qui se rattachait au secret de la vie de Mrs Lechmere se glissait au milieu des plus douces visions ; mais elle disparaissait bientôt devant l’image de celle dont la tendre et touchante affection allait lui confier son bonheur.

Comme la résidence du docteur Liturgy était dans North-End, qui était alors le quartier du beau monde, Lionel dut faire une grande diligence pour être exact au rendez-vous. Jeune, actif, plein d’espérance, dans sa marche légère il touchait à peine le pavé ; et, lorsqu’il arriva chez le docteur, il vit en regardant à sa montre qu’il avait presque égalé la rapidité du temps.

Le révérend docteur était dans son cabinet, assis dans un grand fauteuil à bras, auprès d’un bon feu et d’une cruche remplie d’un mélange de cidre, de gingembre et d’une foule d’autres épices dont Polwarth lui-même eût été embarrassé de faire l’énumération ; il cherchait à se consoler de son mieux de la fatigue du jour. Son ample et belle perruque avait été remplacée par un bonnet de velours ; ses souliers étaient débouclés, et pour plus d’aisance les talons n’en étaient pas relevés. En un mot, tout en lui annon-