Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mystérieuse aux sinistres présages de la nuit. L’infortunée serre ses mains l’une contre l’autre dans l’agonie du désespoir, pousse un grand cri en appelant sa cousine, et tombe sur le plancher dans un état d’insensibilité complète.

Agnès surveillait les apprêts du repas ; elle voulait qu’il fût digne en tout des Lechmere, et qu’il fît honneur à sa cousine aux yeux de son seigneur et maître. Malgré le bruit des domestiques empressés à exécuter ses ordres, le cri perçant de Cécile retentit jusque dans la salle à manger, suspendit tous les mouvements, et glaça tous les cœurs.

— C’est mon nom ? dit Agnès ; qui m’appelle ?

— S’il était possible que l’épouse de mon maître poussât un pareil cri, reprit Meriton avec une emphase convenable, je jurerais que c’est milady.

— C’est Cécile ! c’est Cécile ! s’écria Agnès qui déjà s’était élancée hors de la chambre ! oh ! je redoutais ce mariage précipité !

Les domestiques la suivirent avec empressement, et la fatale vérité fut alors connue de toute la maison. Le corps de Mrs Lechmere fut découvert à leur vue ; ils crurent tous que c’était la cause de l’état où ils voyaient la jeune épouse.

Plus d’une heure s’écoula avant que les soins les plus assidus eussent pu rendre à Cécile assez de connaissance pour qu’il fût possible de lui adresser quelques mots. Alors sa cousine profita d’un instant où elle se trouvait seule avec elle pour prononcer le nom de son mari. Cécile l’entendit avec une joie soudaine, mais regardant autour de la chambre d’un air égaré, comme si ses yeux le cherchaient, elle serra ses mains contre son cœur, et retomba dans cet état d’insensibilité dont on avait eu tant de peine à la tirer. Agnès crut deviner alors la véritable cause de son désespoir, et elle sortit de la chambre dès qu’elle eut réussi encore une fois à lui faire reprendre ses sens.

Agnès Danforth n’avait jamais eu pour sa tante cette confiance et ce respect sans bornes qui purifiaient les affections de la petite-fille de la défunte. Elle avait de plus proches parents auxquels elle était attachée sincèrement, et n’étant pas aveuglée par la tendresse, elle remarquait ces traits d’égoïsme et d’insensibilité qui étaient propres à Mrs Lechmere. Si donc elle avait consenti à s’exposer aux privations et aux dangers d’un siège, c’était unique-