Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/371

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— Je ne pensais pas à le vendre quand je suis parti de chez moi ; il est tout neuf, comme vous pouvez le voir en l’étendant ainsi devant la lune ; d’ailleurs, à présent qu’il n’y a pas de commerce, vous savez que les marchandises deviennent chères ; eh bien ! si vous désirez l’acheter, je ne veux pas vous le faire payer trop cher ; prenez-le pour deux couronnes.

Meriton donna l’argent sans hésiter un instant, et l’Américain le mit en poche, fort satisfait de son marché puisqu’il avait vendu sa marchandise à un profit d’environ trois cents pour cent. Il saisit bientôt l’occasion de dire à l’oreille de son camarade qu’il venait de conclure une assez bonne affaire, et lui en ayant donné les détails, ils convinrent unanimement que la mission qui leur avait été donnée n’était pas une mauvaise corvée.

D’une autre part, Meriton, qui savait aussi bien que les Américains que le coton n’avait pas la même valeur que la soie, n’en était pas moins content de son marché, quoique sa satisfaction partît d’une autre source que celle d’Allen. Une longue habitude lui avait appris à croire que chaque civilité avait son prix, comme sir Robert Walpole le disait du patriotisme, et la crainte dont il était saisi faisait qu’il ne s’inquiétait guère de la somme qu’il avait payée pour son acquisition. Il se regardait alors comme ayant un droit manifeste à la protection de son garde, et cette idée fut pour son esprit un calmant qui fit succéder la sécurité à ses appréhensions.

Ce marché venait d’être conclu, et chacune des parties était en possession de ce qu’elle venait d’acquérir, quand ils arrivèrent sur la terre basse connue sous le nom du Neck[1]. Tout à coup les deux gardes s’arrêtèrent, se penchèrent en avant avec un air de grande attention, et semblèrent écouter un bruit qu’on entendait dans l’éloignement dans l’intervalle de la canonnade.

— Ils viennent, dit l’un d’eux à son camarade ; avancerons-nous ou attendrons-nous qu’ils soient passés ?

L’autre lui répondit à voix basse, et, après une courte conversation, ils continuèrent à marcher.

Cette conférence avait attiré l’attention de Cécile ; elle avait entendu le peu de mots que ses gardes avaient laissé échapper, et, pour la première fois, elle commença à avoir quelque inquié-

  1. On appelle Neck of land un petit isthme.