Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/87

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le vieillard, qui marchait un peu en avant de ses compagnons, s’arrêta, et permit à Lionel de le rejoindre. Celui-ci remarqua avec surprise que Ralph l’attendait près d’un tronc d’arbre couché sur un des côtés de la rue, et dont les racines annonçaient qu’il était récemment tombé.

— Voyez-vous les restes de l’orme ? dit le vieillard ; leurs cognées ont pu détruire la souche, mais ses rejetons ont pris racine dans toute l’Amérique.

— Je ne vous comprends pas, répondit Lionel ; je ne vois rien ici qu’un tronc d’arbre, et certainement les ministres du roi ne sont pas responsables de sa chute.

— Les ministres du roi sont responsables devant leur maître de ce que cet arbre est devenu ce qu’il est maintenant pour tout le peuple. Mais questionnez l’enfant qui est près de vous, et il vous en dira les vertus.

Lionel se tourna vers Job, et vit avec surprise, à la pâle clarté de la lune qui venait de se faire jour entre deux nuages, que l’enfant, la tête nue, et exposée à toute la fureur de la tempête, regardait le vieil orme avec l’air du plus profond respect.

— Tout ceci est un mystère pour moi, dit Lionel. Que savez vous de cet arbre pour le regarder avec tant de vénération, mon enfant ?

— C’est la racine de l’arbre de la liberté ! dit Job, et il est impie de passer devant sans ôter son chapeau.

— Et qu’a fait cet arbre en faveur de la liberté pour mériter tant de respect ?

— Ce qu’il a fait ? Aviez-vous jamais vu, avant celui-là, un arbre qui sût écrire et donner avis des assemblées secrètes qui devaient avoir lieu, ou qui pût dire au peuple où le roi voulait en venir avec son timbre et son poison de thé ?

— Et cet arbre merveilleux peut opérer de tels miracles ?

— Certainement qu’il le peut, et il l’a bien prouvé. Tommy le Ladre[1] n’a qu’à inventer ce soir quelque nouvelle ruse avec laquelle il espère écraser le peuple, et vous pourrez venir demain matin lire sur l’écorce de cet arbre un avertissement qui dira toute l’affaire et les moyens à prendre pour déjouer ses diableries, et tout cela d’une écriture aussi belle que celle de maître Howell lorsque sa main ne tremblait pas.

  1. On a déjà vu que c’est le nom que Job donne au gouverneur.