hommes à la minute, — ces approvisionnements, ces transports de canons, et tant d’autres apprêts non moins formidables ? Penseraient-ils par hasard, honnête Seth, effrayer les soldats anglais avec leurs roulements de tambour, ou s’amusent-ils comme des enfants, les jours de fête, à jouer à la guerre ?
— Je serais tenté d’en conclure, dit Seth avec une gravité imperturbable, que le peuple ne badine pas, et qu’il songe sérieusement…
— À faire quoi ? demanda l’Irlandais ; à se forger des chaînes, afin que nous puissions ensuite les garrotter tout de bon ?
— Mais, en considérant qu’ils ont brûlé les papiers du fisc et qu’ils ont jeté les cargaisons de thé dans la mer, reprit Seth, et que, depuis lors, ils se sont mis à se diriger eus-mêmes, j’en conclurais plutôt qu’ils sont assez résolus à faire ce qui leur paraîtra dans leur intérêt.
Lionel et Polwarth se mirent à éclater de rire. — Voilà des conclusions foudroyantes ! dit le premier ; je doute néanmoins que vous en tiriez de plus claires de notre hôte, capitaine Mac-Fuse. Sait-on bien, monsieur Sage, que des renforts considérables arrivent aux colonies, et en particulier à Boston ?
— Mais oui, reprit Seth ; on semble s’y attendre assez généralement.
— Et quel est le résultat de cette attente ?
Seth s’arrêta un moment avant de répondre, comme s’il voulait s’assurer qu’il eût bien compris la question qui lui était faite.
— Mais, comme le pays a pris l’affaire assez à cœur, il y en a qui pensent que, si les ministres n’ouvrent pas le port, le peuple pourra bien l’ouvrir lui-même sans plus amples discussions.
— Savez-vous bien, dit Lionel d’un ton grave, qu’une pareille tentative conduirait directement à une guerre civile ?
— Je suppose qu’il est de la prudence de calculer qu’une pareille mesure amènerait des troubles, reprit l’hôte avec son phlegme accoutumé.
— Et vous en parlez, Monsieur, comme si la nation ne devrait pas employer tous les moyens possibles pour prévenir ou détourner de telles conséquences !
— Si le port est ouvert et que le droit d’imposer des taxes soit abandonné, dit Seth avec calme, je puis trouver un homme dans