Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/105

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grotte, et sa douce influence avait produit un heureux effet sur l’esprit de ceux qui s’y trouvaient. Chaque minute qui s’écoulait sans amener avec elle de nouveaux dangers, ranimait dans leur cœur l’étincelle d’espérance qui commençait à y renaître, quoique aucun d’eux n’osât communiquer aux autres un espoir que le moment d’après pouvait détruire.

David seul semblait étranger à ces émotions. Un rayon de lumière partant de l’étroite sortie de la caverne tombait sur lui, et le montrait occupé à feuilleter son petit livre, comme s’il eût cherché un cantique plus convenable à sa situation qu’aucun de ceux qui avaient frappé ses yeux jusqu’alors. Il agissait probablement ainsi d’après un souvenir confus de ce que lui avait dit le major en l’amenant dans la caverne. Enfin ses soins diligents obtinrent leur récompense. Sans apologie, sans explication, il s’écria tout à coup à haute voix : — L’Île de Wight ![1] Prenant son instrument favori, il en tira quelques sons pour se donner le ton juste ; et sa voix harmonieuse fit entendre le prélude de l’air qu’il venait d’annoncer.

— N’y a-t-il pas de danger ? demanda Cora en fixant ses yeux noirs sur le major.

— Le pauvre diable ! dit Heyward, sa voix est maintenant trop faible pour qu’on puisse l’entendre au milieu du bruit de la cataracte. Laissons-le donc se consoler à sa manière, puisqu’il peut le faire sans aucun risque.

— L’Île de Wight ! répéta David en regardant autour de lui avec un air de gravité imposante qui aurait réduit au silence une vingtaine d’écoliers babillards ; c’est un bel air, et les paroles en sont solennelles. Chantons-les donc avec tout le respect convenable.

Après un moment de silence dont le but était d’attirer de plus en plus l’attention de ses auditeurs, le chanteur fit entendre sa voix, d’abord sur un ton bas, qui, s’élevant graduellement, finit par remplir la caverne de sons harmonieux. La mélodie, que la faiblesse de la voix rendait plus touchante, répandit peu à peu son influence sur ceux qui l’écoutaient ; elle triomphait même du misérable travestissement du cantique du Psalmiste, que La Gamme avait choisi avec tant de soin ; et la douceur inexprimable de la

  1. C’est une particularité de la psalmodie américaine, que les airs sont distingués les uns des autres par des noms de villes ou de provinces, etc., comme Danemark, Lorraine, île de Wight, et ces trois derniers sont les plus estimés.