Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/118

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deux sœurs, et s’éloignant d’eux de quelques pas, il fit un geste avec précaution pour indiquer à Heyward de venir le joindre.

— Parlez à présent, dit-il, si vos paroles sont telles que le Renard-Subtil doive les entendre.

— Le Renard-Subtil a prouvé qu’il était digne du nom honorable que lui ont donné ses pères canadiens, dit le major. Je reconnais maintenant la prudence de sa conduite ; je vois tout ce qu’il a fait pour nous servir ; et je ne l’oublierai pas quand l’heure de la récompense sera arrivée. Oui, le Renard a prouvé qu’il est non seulement un grand guerrier, un grand chef dans le conseil, mais encore qu’il sait tromper ses ennemis.

— Qu’a donc fait le Renard ? demanda froidement l’Indien.

— Ce qu’il a fait ? répondit Heyward ; il a vu que les bois étaient remplis de troupes d’ennemis, à travers lesquels il ne pouvait passer sans donner dans quelque embuscade, et il a feint de se tromper de chemin afin de les éviter ; ensuite il a fait semblant de retourner à sa peuplade, à cette peuplade qui l’avait chassé comme un chien de ses wigwams, afin de regagner sa confiance, et quand nous avons enfin reconnu quel était son dessein, ne l’avons-nous pas bien secondé en nous conduisant de manière à faire croire aux Hurons que l’homme blanc pensait que son ami le Renard était son ennemi ? Tout cela n’est-il pas vrai ? Et quand le Renard eut, par sa prudence, fermé les yeux et bouché les oreilles des Hurons, ne leur a-t-il pas fait oublier qu’ils l’avaient forcé à se réfugier chez les Mohawks ? Ne les a-t-il pas engagés ensuite à s’en aller follement du côté du nord, en le laissant sur la rive méridionale du fleuve avec leurs prisonniers ? Et maintenant ne va-t-il pas retourner sur ses pas et reconduire à leur père les deux filles du riche Écossais à tête grise ? Oui, oui, Magua, j’ai vu tout cela, et j’ai déjà pensé à la manière dont on doit récompenser tant de prudence et d’honnêteté. D’abord le chef de William-Henry sera généreux comme doit l’être un si grand chef pour un tel service. La médaille[1] que porte Magua sera d’or au lieu d’être d’étain ; sa corne sera toujours pleine de poudre ; les dollars sonneront dans sa poche en aussi grande quantité que les cailloux sur les bords de l’Horican ; et les

  1. Il a longtemps été d’usage parmi les blancs qui voulaient se concilier les Indiens les plus importants, de leur donner des médailles pour porter à la place de leurs grossiers ornements. Celles qui sont données par les Anglais ont pour empreinte l’image du roi régnant, et celles qui sont données par les Américains, l’image du président.