Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/145

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mercier le ciel de nous avoir sauvés des mains des barbares infidèles, et à écouter le cantique solennel sur le bel air appelé Northampton.

Il indiqua la page où se trouvaient les vers qu’il allait chanter, comme si ses auditeurs avaient eu en main un livre semblable pour les y chercher, et suivant son usage il appliqua son instrument à ses lèvres pour prendre et donner le ton avec la même gravité que s’il eût été dans un temple. Mais pour cette fois nulle voix n’accompagna la sienne, car les deux sœurs étaient alors occupées à se donner les marques de tendresse réciproque dont nous avons déjà parlé. La tiédeur apparente de son auditoire ne le déconcerta nullement, et il commença son cantique, qu’il termina sans interruption.

Le chasseur l’écouta tout en finissant l’inspection de son fusil ; mais les chants de David ne parurent pas produire sur lui la même émotion qu’ils lui avaient occasionnée dans la grotte. En un mot, jamais ménestrel n’avait exercé ses talents devant un auditoire plus insensible ; et cependant, en prenant en considération la piété fervente et sincère du chanteur, il est permis de croire que jamais les chants d’un barde n’arrivèrent plus près du trône de celui à qui sont dus tout honneur et tout respect. Œil-de-Faucon se leva enfin en hochant la tête, murmurant quelques mots parmi lesquels on ne put entendre que ceux de — gosier, d’Iroquois, — et il alla examiner l’état de l’arsenal des Hurons. Chingachgook se joignit à lui, et reconnut son fusil avec celui de son fils. Heyward et même David y trouvèrent aussi de quoi s’armer, et les munitions ne manquaient pas pour que les armes pussent devenir utiles.

Lorsque les deux amis eurent fait leur choix et terminé la distribution du reste, le chasseur annonça qu’il était temps de songer au départ. Les chants de David avaient cessé, et les deux sœurs commençaient à être plus maîtresses de leurs émotions. Soutenues par Heyward et par le jeune Mohican, elles descendirent cette montagne qu’elles avaient gravie avec des guides si différents, et dont le sommet avait pensé être le théâtre d’une scène si horrible. Remontant ensuite sur leurs chevaux, qui avaient eu le temps de se reposer et de paître l’herbe et les bourgeons des arbrisseaux, elles suivirent les pas d’un conducteur qui, dans des moments si terribles, leur avait montré tant de zèle et d’attache-