Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/152

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forêt commençait à perdre ses riches teintes, et ce beau vert qui avait brillé toute la journée sur le feuillage de ses voûtes naturelles se changeait insensiblement en un noir sombre sous la lueur douteuse qui annonce l’approche de la nuit.

Tandis que les deux sœurs cherchaient à saisir à travers les arbres quelques-uns des derniers rayons de l’astre qui se couchait dans toute sa gloire, et qui tordaient d’une frange d’or et de pourpre une masse de nuages amassés à peu de distance au-dessus des montagnes occidentales, le chasseur s’arrêta tout à coup et se tourna vers ceux qui le suivaient :

— Voilà, dit-il en étendant le bras vers le ciel, le signal donné à l’homme par la nature pour qu’il cherche le repos et la nourriture dont il a besoin. Il serait plus sage s’il y obéissait, et s’il prenait une leçon à cet égard des oiseaux de l’air et des animaux des champs. Au surplus notre nuit sera bientôt passée, car il faudra que nous nous remettions en marche quand la lune paraîtra. Je me souviens d’avoir combattu les Maquas ici, aux environs, pendant la première guerre dans laquelle j’ai fait couler le sang humain. Nous construisîmes en cet endroit une espèce de petit fort en troncs d’arbres pour défendre nos chevelures ; si ma mémoire ne me trompe pas, nous devons le trouver à très peu de distance sur la gauche.

Sans attendre qu’on répondît, le chasseur tourna brusquement sur la gauche, et entra dans un bois épais de jeunes châtaigniers. Il écartait les branches basses en homme qui s’attendait à chaque pas à découvrir l’objet qu’il cherchait. Ses souvenirs ne l’abusaient pas ; car après avoir fait deux ou trois cents pas au milieu de broussailles et de ronces qui s’opposaient à sa marche, il entra dans une clairière au milieu de laquelle était un tertre couvert de verdure, et couronné par l’édifice en question, négligé et abandonné depuis bien longtemps.

C’était un de ces bâtiments grossiers, honorés du nom de forts, que l’on construisait à la hâte quand la circonstance l’exigeait, et auxquels on ne songeait plus quand le moment du besoin était passé. Il tombait en ruine dans la solitude de la forêt, complètement abandonné et presque entièrement oublié. On trouve souvent dans la large barrière de déserts qui séparait autrefois les provinces ennemies, de pareils monuments du passage sanglant des hommes. Ce sont aujourd’hui des ruines qui se rattachent aux