Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/164

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ennemis barbares rendait doublement vive, si nul son ne leur annoncerait la proximité des sauvages ; mais la vaste étendue des forêts semblait ensevelie dans un silence éternel. Les oiseaux, les animaux et les hommes, s’il s’en trouvait dans ce désert, semblaient également livrés au repos le plus profond. Tout à coup on entendit le bruit éloigné d’une eau courante, mais quoique ce ne fût qu’un faible murmure, il mit fin aux incertitudes de leurs guides, qui sur-le-champ dirigèrent leur marche de ce côté.

En arrivant sur les bords de la petite rivière, on fit une nouvelle halte ; Œil-de-Faucon eut une courte conférence avec ses deux compagnons, après quoi, ôtant leurs mocassins, ils invitèrent Heyward et La Gamme à en faire autant. Ils firent descendre les chevaux dans le lit de la rivière, qui était peu profonde, y entrèrent eux-mêmes, et y marchèrent pendant près d’une heure pour dépister ceux qui voudraient suivre leurs traces. Lorsqu’ils la traversèrent pour entrer dans les bois sur l’autre rive, la lune s’était déjà cachée sous des nuages noirs qui s’amoncelaient du côté de l’occident ; mais là le chasseur semblait se trouver de nouveau en pays connu ; il ne montra plus ni incertitude ni embarras, et marcha d’un pas aussi rapide qu’assuré.

Bientôt le chemin devint plus inégal, les montagnes se rapprochaient des deux côtés, et les voyageurs s’aperçurent qu’ils allaient traverser une gorge. Œil-de-Faucon s’arrêta de nouveau, et attendant que tous ses compagnons fussent arrivés, il leur parla d’un ton circonspect que le silence et l’obscurité rendaient encore plus solennel.

— Il est aisé de connaître les sentiers et les ruisseaux du désert, dit-il, mais qui pourrait dire si une grande armée n’est pas campée de l’autre côté de ces montagnes ?

— Nous ne sommes donc pas à une très grande distance de William-Henry ? demanda Heyward, s’approchant du chasseur avec intérêt.

— Nous avons encore un bon bout de chemin à faire, et ce n’est pas le plus facile ; mais la plus grande difficulté, c’est de savoir comment et de quel côté nous approcherons du fort. Voyez, — ajouta Œil-de-Faucon en lui montrant à travers les arbres un endroit où était une pièce d’eau dont la surface tranquille réfléchissait l’éclat des étoiles ; — voilà l’étang de Sang. Je suis sur un terrain que j’ai non seulement souvent parcouru, mais