Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/176

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— En avant ! répéta Heyward sur le même ton.

— Qui vive ? crièrent en même temps une douzaine de voix avec un accent de menace.

— C’est moi ! dit Duncan pour gagner du temps, et doublant le pas en entraînant ses compagnes effrayées.

— Bête ! qui, moi[1] ?

— Un ami de la France, reprit Duncan sans s’arrêter.

— Tu m’as plus l’air d’un ennemi de la France. Arrête ! ou de par Dieu, je te ferai ami du Diable ! — Non ? Feu, camarades, feu !

L’ordre fut exécuté à l’instant, et une vingtaine de coups de fusil partirent en même temps. Heureusement on avait tiré presque au hasard, et dans une direction qui n’était pas tout à fait celle des fugitifs. Cependant les balles ne passèrent pas très loin d’eux, et les oreilles de David, peu exercées à ce genre de musique, crurent les entendre siffler à deux pouces de lui. Les Français poussèrent de grands cris, et Heyward entendit donner l’ordre de tirer une seconde fois, et de se mettre à la poursuite de ceux qui ne paraissaient pas vouloir se montrer. Le major expliqua en deux mots au chasseur ce qui venait de se dire en français, et celui-ci, s’arrêtant sur-le-champ, prit son parti avec autant de promptitude que de fermeté.

— Faisons feu à notre tour, dit-il ; ils croiront que c’est une sortie de la garnison du fort ; ils appelleront du renfort, et avant qu’il leur en arrive nous serons en sûreté.

Le projet était bien conçu ; mais l’exécution ne réussit pas. La première décharge d’armes à feu avait excité l’attention générale du camp ; la seconde y jeta l’alarme, depuis le bord du lac jusqu’au pied des montagnes, le tambour battit de tous côtés, et l’on y entendit un mouvement universel.

— Nous allons attirer sur nous leur armée entière, dit Heyward ; en avant, mon brave ami, en avant ! il y va de votre vie comme des nôtres.

Le chasseur paraissait disposé à suivre cet avis ; mais dans ce moment de trouble et de confusion, il avait changé de position, et il ne savait de quel côté marcher. Il exposa en vain ses deux joues à l’action du vent ; il ne faisait plus le moindre souffle d’air. En

  1. L’auteur a mis en français les interpellations des sentinelles françaises et les réponses de Duncan, lorsqu’elles sont faites en français. Nous avons conservé les phrases telles qu’elles ont été écrites par l’auteur.