Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ce n’est pas Québec que j’assiège ; c’est une place dont toutes les fortifications sont en terre, et défendue par une garnison qui ne consiste qu’en deux mille trois cents hommes, quoique un ennemi doive rendre justice à leur bravoure.

— Il est très vrai que nos fortifications sont en terre, Monsieur, et qu’elles ne sont point assises sur le rocher du Diamant ; mais elles sont élevées sur cette rive qui a été si fatale à Dieskau et à sa vaillante armée ; et vous ne faites pas entrer dans vos calculs une force considérable qui n’est qu’à quelques heures de marche de nous, et que nous devons regarder comme faisant partie de nos moyens de défense.

— Oui, répondit Montcalm avec le ton d’une parfaite indifférence, de six à huit mille hommes, que leur chef circonspect juge plus prudent de garder dans leurs retranchements que de mettre en campagne.

Ce fut alors le tour d’Heyward de se mordre les lèvres de dépit, en entendant le marquis parler avec tant d’insouciance d’un corps d’armée dont il savait que la force effective était fort exagérée. Tous deux gardèrent le silence quelques instants, et Montcalm reprit la parole de manière à annoncer qu’il croyait que la visite de l’officier anglais n’avait d’autre but que de proposer des conditions de capitulation. De son côté le major chercha à donner à la conversation une tournure qui amenât le général français à faire quelque allusion à la lettre qu’il avait interceptée ; mais ni l’un ni l’autre ne réussit à atteindre son but, et après une longue et inutile conférence, Duncan se retira avec une impression favorable des talents et de la politesse du général ennemi, mais aussi peu instruit sur ce qu’il désirait apprendre que lorsqu’il était arrivé.

Montcalm l’accompagna jusqu’à la porte de sa tente, et le chargea de renouveler au commandant du fort l’invitation qu’il lui avait déjà fait faire de lui accorder le plus tôt possible une entrevue sur le terrain situé entre les deux armées. Là ils se séparèrent ; l’officier qui avait amené Duncan le reconduisit aux avant-postes, et le major étant rentré dans le fort se rendit sur-le-champ chez Munro.