Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/198

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Allez, major Heyward, faites-leur entendre une fanfare de musique, et envoyez un trompette pour informer le marquis que je vais me rendre à l’endroit indiqué. Je le suivrai de près avec une escorte, car honneur est dû à celui qui est chargé de garder l’honneur de son roi. Mais écoutez, Duncan, ajouta-t-il en baissant la voix, quoiqu’ils fussent seuls, il sera bon d’avoir un renfort à portée, dans le cas où quelque trahison aurait été préméditée.

Heyward profita sur-le-champ de cet ordre pour quitter l’appartement ; et comme le jour approchait de sa fin, il ne perdit pas un instant pour faire les arrangements nécessaires. Il ne lui fallut que quelques minutes pour dépêcher au camp des Français un trompette avec un drapeau blanc, afin d’y annoncer l’arrivée très prochaine du commandant du fort, et pour ordonner à quelques soldats de prendre les armes. Dès qu’ils furent prêts, il se rendit avec eux à la poterne, où il trouva son officier supérieur qui l’attendait déjà. Dès qu’on eut accompli le cérémonial ordinaire du départ militaire, le vétéran et son jeune compagnon sortirent de la forteresse, suivis de leur escorte.

Ils n’étaient qu’à environ cent cinquante pas des bastions quand ils virent sortir d’un chemin creux, ou pour mieux dire d’un ravin qui coupait la plaine entre les batteries des assiégeants et le fort, une petite troupe de soldats qui accompagnaient leur général. En quittant ses fortifications pour aller se montrer aux ennemis, Munro avait redressé sa grande taille, et pris un air et une démarche tout à fait militaires ; mais dès qu’il aperçut le panache blanc qui flottait sur le chapeau de Montcalm, ses yeux s’enflammèrent ; il sentit renaître en lui la vigueur de la jeunesse.

— Dites à ces braves gens de se tenir sur leurs gardes, Monsieur, dit-il à Duncan à demi-voix, et d’être prêts à se servir de leurs armes au premier signal ; car sur quoi peut-on compter avec ces Français ? En attendant, nous nous présenterons devant eux en hommes qui ne craignent rien. — Vous me comprenez, major Heyward ?

Il fut interrompu par le son d’un tambour des Français ; il fit répondre à ce signal de la même manière ; chaque parti envoya en avant un officier d’ordonnance, porteur d’un drapeau blanc, et le prudent Écossais fit halte ; Montcalm s’avança vers la troupe ennemie avec une démarche pleine de grâce, et salua le vétéran en ôtant son chapeau, dont le panache toucha presque la terre.