Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il prenait, il n’eut besoin que d’un coup d’œil pour s’assurer de la cruelle nouvelle qu’elle contenait. Leur chef commun, le général Webb, bien loin de les exhorter à tenir bon, leur conseillait, dans les termes les plus clairs et les plus précis, de se rendre sur-le-champ, en alléguant pour raison qu’il ne pouvait envoyer un seul homme à leur secours.

— Il n’y a ici ni erreur ni déception, s’écria Heyward en examinant la lettre avec une nouvelle attention : c’est bien le cachet et la signature de Webb ; c’est certainement la lettre interceptée.

— Je suis donc abandonné, trahi ! s’écria Munro avec amertume : Webb veut couvrir de honte des cheveux qui ont honorablement blanchi ! il verse le déshonneur sur une tête qui a toujours été sans reproche !

— Ne parlez pas ainsi ! s’écria Duncan avec feu à son tour ; nous sommes encore maîtres du fort et de notre honneur. Défendons-nous jusqu’à la mort, et vendons notre vie si cher que l’ennemi soit forcé de convenir qu’il en a trop payé le sacrifice !

— Je te remercie, jeune homme, dit le vieillard sortant d’une sorte de stupeur ; pour cette fois, tu as rappelé Munro au sentiment de ses devoirs. Retournons au fort, et creusons notre sépulture derrière nos remparts !

— Messieurs, dit Montcalm en s’avançant vers eux avec un air de véritable intérêt et de générosité, vous connaissez peu Louis de Saint-Véran, si vous le croyez capable de vouloir profiter de cette lettre pour humilier de braves soldats, et se déshonorer lui-même. Avant de vous retirer, écoutez du moins les conditions de la capitulation que je vous offre.

— Que dit le Français ? demanda le vétéran avec une fierté dédaigneuse. Se fait-il un mérite d’avoir fait prisonnier un batteur d’estrade, et d’avoir intercepté un billet venant du quartier général ? Major, dites-lui que s’il veut intimider ses ennemis par des bravades, ce qu’il a de mieux à faire est de lever le siège de William-Henry et d’aller investir le fort Édouard.

Duncan lui expliqua ce que venait de dire le marquis.

— Monsieur de Montcalm, nous sommes prêts à vous entendre, dit Munro d’un ton plus calme.

— Il est impossible que vous conserviez le fort, répondit le marquis, et l’intérêt du roi mon maître exige qu’il soit détruit.