Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/205

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paraissait d’une manière satisfaisante, car sa marche n’éprouvait jamais la moindre interruption.

À l’exception de ces rencontres, qui se répétèrent assez fréquemment, nul événement ne troubla sa promenade silencieuse, et il s’avança ainsi depuis le centre du camp jusqu’au dernier des avant-postes du côté du fort. Lorsqu’il passa devant le soldat qui était en faction le plus près de l’ennemi, celui-ci fit entendre le cri ordinaire :

— Qui vive ?

— France.

— Le mot d’ordre ?

— La victoire, répondit le personnage mystérieux en s’approchant de la sentinelle pour prononcer ce mot à voix basse.

— C’est bon, répliqua le soldat en replaçant son mousquet sur son épaule ; vous vous promenez bien matin, Monsieur ?

— Il est nécessaire d’être vigilant, mon enfant.

En prononçant ces paroles, tandis qu’il était en face de la sentinelle, un pan de son manteau s’écarta. Il s’en enveloppa de nouveau, et continua à s’avancer vers le fort anglais, pendant que le soldat, faisant un mouvement de surprise, lui rendait les honneurs militaires de la manière la plus respectueuse ; après quoi celui-ci, continuant sa faction, murmura à demi-voix :

— Oui, ma foi, il faut être vigilant, car je crois que nous avons là un caporal qui ne dort jamais !

L’officier n’entendit pas ou feignit de ne pas avoir entendu les paroles qui venaient d’échapper à la sentinelle ; il continua sa marche, et ne s’arrêta qu’en arrivant sur la rive sablonneuse du lac, assez près du bastion occidental du fort pour que le voisinage eût pu en être dangereux. Quelques nuages roulaient dans l’atmosphère, et l’un d’eux cachant en ce moment le globe de la lune, elle ne donnait qu’une clarté suffisante pour qu’on pût distinguer confusément les objets. Il prit la précaution de se placer derrière le tronc d’un gros arbre, et il y resta appuyé quelque temps, paraissant contempler avec une profonde attention les fortifications silencieuses de William-Henry. Les regards qu’il dirigeait vers les remparts n’étaient pas ceux d’un spectateur oisif et curieux. Ses yeux semblaient distinguer les endroits forts des parties plus faibles, et ses recherches avaient même un air de défiance. Enfin il parut satisfait de son examen, et ayant jeté les yeux avec une expression