Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/214

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reux, et trop avare pour céder sans résistance ce qui lui appartenait. Un combat s’ensuivit ; la querelle devint générale ; une centaine de sauvages parurent tout à coup comme par miracle dans un endroit où l’on en aurait à peine compté une douzaine quelques minutes auparavant ; et tandis que ceux-ci voulaient aider le pillage, et que les Américains cherchaient à s’y opposer, Cora reconnut Magua au milieu de ses compatriotes, leur parlant avec son éloquence insidieuse. Les femmes et les enfants s’arrêtèrent et se pressèrent les uns contre les autres comme un troupeau de brebis effrayées ; mais la cupidité de l’Indien fut bientôt satisfaite, il emporta son butin : les sauvages se retirèrent en arrière, comme pour laisser passer les Américains sans autre opposition, et l’on se remit en marche.

Lorsque la troupe de femmes approcha d’eux, la couleur brillante d’un châle que portait l’une d’elles excita la cupidité d’un Huron, qui s’avança sans hésiter pour s’en emparer. Cette femme portait un jeune enfant que couvrait un pan de son châle, et plutôt par terreur que par envie de conserver cet ornement, elle serra fortement le châle et l’enfant contre son sein. Cora était sur le point de lui adresser la parole pour lui dire d’abandonner au sauvage ce qui allumait tellement ses désirs ; mais celui-ci, lâchant le châle sur lequel il avait porté la main, arracha l’enfant des bras de sa mère. La femme, éperdue et le désespoir peint sur le visage, se précipita sur lui pour réclamer son fils, et l’Indien lui tendit une main avec un sourire féroce, comme pour lui indiquer qu’il consentait à faire un échange, tandis que de l’autre il faisait tourner autour de sa tête l’enfant qu’il tenait par les pieds, comme pour lui faire mieux sentir la valeur de la rançon qu’il exigeait.

— Le voilà ! Tenez ! tenez ! tout ! tout ! s’écria la malheureuse mère, pouvant à peine respirer, tandis que, d’une main tremblante et mal assurée, elle se dépouillait elle-même de tout ce qu’elle pouvait retrancher de ses vêtements ; prenez tout ce que je possède, mais rendez-moi mon enfant !

Le sauvage s’apercevant qu’un de ses compagnons s’était déjà emparé du châle qu’il convoitait, foula aux pieds tous les autres objets qu’elle lui présentait, et, sa férocité se changeant en rage, il brisa la tête de l’enfant contre un rocher et en jeta les membres encore palpitants aux pieds de la mère. L’infortunée resta un instant comme une statue ; ses yeux égarés se fixèrent sur l’être