Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/234

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Tandis qu’Œil-de-Faucon et ses deux compagnons allumaient leur feu et prenaient leur repas du soir, repas frugal qui ne consistait qu’en chair d’ours séchée, le jeune major monta sur les débris d’un bastion qui dominait sur l’Horican. Le vent était tombé, et les vagues frappaient avec moins de violence et plus de régularité contre le rivage sablonneux qui était sous ses pieds. Les nuages, comme fatigués de leur course impétueuse, commençaient à se diviser ; les plus épais se rassemblant en masses noires à l’horizon, et les plus légers, planant encore sur les eaux du lac et sur le sommet des montagnes, comme une volée d’oiseaux effrayés, mais qui ne peuvent se résoudre à s’éloigner de l’endroit où ils ont laissé leurs nids. Çà et là une étoile brillante luttait contre les vapeurs qui roulaient encore dans l’atmosphère, et semblait un rayon lumineux perçant la sombre voûte du firmament. Des ténèbres impénétrables couvraient déjà les montagnes qui entouraient les environs, et la plaine était comme un vaste cimetière abandonné, où règne le silence de la mort au milieu de ceux qu’elle a frappés.

Duncan resta quelque temps à contempler une scène si bien d’accord avec tout ce qui s’était passé. Ses regards se tournaient tour à tour vers les ruines, au milieu desquelles le chasseur et ses deux amis étaient assis autour d’un bon feu, et vers la faible lueur qu’on distinguait encore du côté du couchant, par le rouge pâle dont elle teignait les nuages, et se reposait ensuite sur cette sombre obscurité qui bornait sa vue à l’enceinte où tant de morts étaient étendus.

Bientôt il crut entendre s’élever de cet endroit des sons inintelligibles, si bas, si confus, qu’il ne pouvait ni s’en expliquer la nature, ni même se convaincre qu’il ne se trompait pas. Honteux des inquiétudes auxquelles il se livrait malgré lui, il chercha à s’en distraire en jetant les yeux sur le lac, et en contemplant les étoiles qui se réfléchissaient sur sa surface mouvante. Cependant son oreille aux aguets l’avertit de la répétition des mêmes sons, comme pour le mettre en garde contre quelque danger caché. Il y donna alors toute son attention, et le bruit qu’il entendit enfin partir plus distinctement du sein des ténèbres lui parut celui que produirait une marche rapide.

Ne pouvant plus maîtriser son inquiétude, il appela le chasseur à voix basse, et l’invita à venir le trouver. Celui-ci prit son fusil