Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/256

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rames, s’attroupèrent autour de lui, et les trois canots devinrent stationnaires.

Chingachgook et Uncas profitèrent de ce moment de relâche pour reprendre haleine ; mais Duncan continua à ramer avec le zèle le plus constant. Le père et le fils jetèrent l’un sur l’autre un coup d’œil d’un air calme, mais plein d’intérêt. Chacun d’eux voulait savoir si l’autre n’avait pas été blessé par le feu des Hurons, car ils savaient tous deux que dans un pareil moment ni l’un ni l’autre n’aurait fait connaître cet accident par une plainte ou une exclamation de douleur. Quelques gouttes de sang coulaient de l’épaule du Sagamore, et celui-ci, voyant que les yeux d’Uncas y étaient attachés avec inquiétude, prit de l’eau dans le creux de sa main pour laver la blessure, se contentant de lui prouver ainsi que la balle n’avait fait qu’effleurer la peau en passant.

— Doucement, major, plus doucement ! dit le chasseur après avoir rechargé sa carabine. Nous sommes déjà un peu trop loin pour qu’un fusil puisse bien faire son devoir. Vous voyez que ces coquins sont à tenir conseil ; laissons-les venir à portée : on peut se fier à mon œil en pareil cas. Je veux les promener jusqu’au bout de l’Horican, en les maintenant à une distance d’où je vous garantis que pas une de leurs balles ne nous fera plus de mal qu’une égratignure tout au plus, tandis que mon tueur de daims en abattra un deux fois sur trois.

— Vous oubliez ce qui doit nous occuper le plus, répondit Heyward en remuant la rame avec un nouveau courage. Pour l’amour du ciel, profitons de notre avantage, et mettons plus de distance entre nous et nos ennemis.

— Songez à mes enfants ! s’écria Munro d’une voix étouffée, et au désespoir d’un père ! Rendez-moi mes enfants !

Une longue habitude de déférence aux ordres de ses supérieurs avait appris au chasseur la vertu de l’obéissance. Jetant un regard de regret vers les canots ennemis, il déposa son fusil dans le fond de l’esquif ; et prit la place de Duncan, dont les forces commençaient à s’épuiser. Ses efforts furent secondés par ceux des Mohicans, et quelques minutes mirent un tel intervalle entre les Hurons et eux, que Duncan en respira plus librement, et se flatta de pouvoir arriver au but de tous ses désirs.

Le lac prenait en cet endroit une largeur beaucoup plus considérable, et la rive dont ils étaient peu éloignés continuait encore