Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/267

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les traces que leurs pieds avaient laissées. Elles auront péri de lassitude dans quelque coin de ce désert !

— Non, non, dit le chasseur en secouant lentement la tête, il n’y a rien à craindre à ce sujet. Il est aisé de voir ici que, quoique les enjambées soient courtes, la marche est ferme et le pied léger. Voyez cette marque ; à peine le talon a-t-il appuyé pour la former ; et ici la chevelure noire a sauté pour éviter cette grosse racine. Non, non, autant que j’en puis juger, ni l’une ni l’autre ne risquait de rester en chemin faute de forces. Quant au chanteur, c’est une autre affaire ; il commençait à avoir mal aux pieds et à être las. Vous voyez qu’il glissait souvent, que sa marche est lourde et mal assurée. On dirait qu’il marchait avec des souliers pour la neige. Oui, oui, un homme qui ne songe qu’à son gosier ne peut s’entretenir convenablement les jambes.

C’était avec de pareils raisonnements que le chasseur expérimenté arrivait à la vérité presque avec une certitude et une précision miraculeuse. Son assurance rendit un certain degré de confiance et d’espoir à Munro et à Heyward, et, rassurés par des inductions qui étaient aussi simples que naturelles, ils s’arrêtèrent pour faire une courte halte et prendre un léger repas avec leurs guides.

Dès que ce repas fait à la hâte fut terminé, le chasseur jeta un coup d’œil vers le soleil couchant, et se remit en marche avec tant de rapidité, que le colonel et le major ne pouvaient le suivre que très difficilement.

Ils marchaient alors le long du ruisseau, dont il a déjà été parlé ; et comme les Hurons avaient cru pouvoir cesser de prendre des précautions pour cacher leur marche, la course de ceux qui les poursuivaient n’était plus retardée par les délais causés par l’incertitude. Cependant, avant qu’une heure se fût écoulée, le pas d’Œil-de-Faucon se ralentit sensiblement ; au lieu de marcher en avant avec hardiesse et sans hésiter, on le voyait sans cesse tourner la tête, tantôt à droite, tantôt à gauche, comme s’il eût soupçonné le voisinage de quelque danger. Enfin, il s’arrêta, et attendit que tous ses compagnons l’eussent rejoint.

— Je sens les Hurons, dit-il en s’adressant aux Mohicans ; je vois le ciel qui se couvre là-bas à travers le haut des arbres ; ce doit être une grande clairière, et les coquins peuvent y avoir établi leur camp. — Sagamore, allez sur les montagnes à droite ; Uncas