Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/283

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nouvelle ardeur, et marcha en avant avec le pas léger et vigoureux de la jeunesse et du courage.

Après avoir décrit à peu près un demi-cercle autour de l’étang des castors, ils s’en éloignèrent pour gravir une petite hauteur, sur le plateau de laquelle ils marchèrent quelque temps. Au bout d’une demi-heure, ils arrivèrent dans une autre clairière, également traversée par un ruisseau, et qui paraissait aussi avoir été habitée par des castors, mais que ces animaux intelligents avaient sans doute abandonnée pour se fixer dans la situation préférable qu’ils occupaient à peu de distance. Une sensation fort naturelle porta Duncan à s’arrêter un instant avant de quitter le couvert de la forêt, comme un homme qui recueille toutes ses forces avant de faire un effort pénible pour lequel il sait qu’elles lui seront nécessaires. Il profita de cette courte halte pour se procurer les informations qu’il pouvait obtenir par un coup d’œil jeté à la hâte.

À l’autre extrémité de la clairière, près d’un endroit où le ruisseau redoublait de rapidité pour tomber en cascades sur un sol moins élevé, on voyait une soixantaine de cabanes grossièrement construites, dont les matériaux étaient des troncs d’arbres, des branches, des broussailles et de la terre. Elles semblaient placées au hasard, sans aucune prétention à la beauté, ni même à la propreté de l’extérieur. Elles étaient si inférieures, sous tous les rapports, aux habitations des castors que Duncan venait de voir, que ce spectacle lui occasionna une seconde surprise encore plus forte que la première.

Son étonnement redoubla quand, à la lueur du crépuscule, il vit vingt à trente figures qui s’élevaient alternativement du milieu des hautes herbes qui croissaient en face des huttes des sauvages, et qui disparaissaient successivement à sa vue, comme si elles se fussent ensevelies dans les entrailles de la terre. Ne pouvant qu’entrevoir ces formes bizarres, qui ne se rendaient visibles qu’un instant, elles lui paraissaient ressembler à de sombres spectres ou à des êtres surnaturels plutôt qu’à des créatures humaines formées des matériaux vulgaires et communs de chair, d’os et de sang. Un corps nu se montrait un moment, agitant les bras en l’air avec des gestes bizarres, et il s’évanouissait sur-le-champ pour reparaître tout à coup en un endroit plus éloigné, ou pour être remplacé par un autre, qui conservait le même caractère mystérieux.