Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/309

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diques. Précisément en cet instant les enfants jetèrent de nouveaux combustibles sur le brasier le plus voisin ; il en jaillit une vive flamme dont l’éclat frappa la surface blanche du rocher, fut répercuté dans l’avenue où ils venaient d’entrer, et leur fit apercevoir une espèce de grosse boule noire qui se trouvait à quelque distance sur le chemin.

L’Indien s’arrêta, comme s’il n’eût su s’il devait avancer davantage, et son compagnon s’approcha de lui. La boule noire, qui d’abord avait paru stationnaire, commença alors à se mouvoir d’une manière qui parut inexplicable à Duncan. Le feu ayant jeté en ce moment un nouvel éclat, montra cet objet sous une forme plus distincte. Heyward reconnut que c’était un ours monstrueux ; mais quoiqu’il grondât d’une manière effrayante, il ne donnait aucun autre signe d’hostilité, et au lieu de continuer à s’avancer, il se rangea sur le bord du chemin, et s’assit sur ses pattes de derrière. Le Huron l’examina avec beaucoup d’attention, et s’étant sans doute assuré que cet intrus n’avait pas de mauvaises intentions, il continua tranquillement à marcher.

Duncan, qui savait que les Indiens apprivoisaient quelquefois ces animaux, suivit l’exemple de son compagnon, croyant que c’était quelque ours favori de la peuplade qui était entré dans la forêt pour y chercher des ruches de mouches à miel, dont ces animaux sont fort friands.

Ils passèrent à deux ou trois pieds de l’ours, qui n’apporta aucune opposition à leur marche, et le Huron, qui en l’apercevant avait hésité à avancer et l’avait examiné avec tant d’attention, ne montra plus la moindre inquiétude, et ne jeta pas même un seul regard du côté de l’animal. Cependant Heyward ne pouvait s’empêcher de tourner la tête en arrière de temps en temps pour surveiller les mouvements du monstre et se mettre en garde contre une attaque soudaine. Il éprouva un certain malaise en le voyant suivre leurs pas, et il allait en prévenir l’Indien, quand celui-ci, ouvrant une porte d’écorce qui fermait l’entrée d’une caverne creusée par la nature, sous la montagne, lui fit signe de l’y suivre. Duncan ne fut pas fâché de trouver une retraite si à propos, et il allait tirer la porte après lui, quand il sentit une résistance qui s’opposait à ses efforts. Il se retourna, vit la patte de l’ours tenant la porte, et l’animal suivit ses pas. Ils étaient alors dans un passage étroit et obscur, et il était impossible de retourner en arrière