Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/340

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source de Santé ; — celui qui vient de lier les bras du Renard-Subtil !

— De qui parle mon frère ? demanda le même chef.

— Du chien qui porte sous une peau blanche la force et l’adresse d’un Huron, s’écria Magua ; — de la Longue-Carabine.

Ce nom redouté produisit son effet ordinaire sur ceux qui l’entendirent. Le silence de la consternation régna un instant parmi les guerriers. Mais quand ils eurent eu le temps de réfléchir que leur plus mortel ennemi, un ennemi aussi formidable qu’audacieux, avait pénétré jusque dans leur camp pour les braver et les insulter, en leur ravissant un prisonnier, la même rage qui avait transporté Magua s’empara d’eux à leur tour, et elle s’exhala en grincements de dents, en hurlements affreux, en menaces terribles. Mais ils reprirent peu à peu le calme et la gravité qui étaient leur caractère habituel.

Magua, qui pendant ce temps avait aussi fait quelques réflexions, changea également de manières, et dit avec le sang-froid et là dignité que comportait un pareil sujet :

— Allons rejoindre les chefs ; ils nous attendent.

Ses compagnons y consentirent en silence, et sortant tous de la caverne, ils retournèrent dans la chambre du conseil. Lorsqu’ils se furent assis, tous les yeux se tournèrent vers Magua, qui vit par là qu’on attendait de lui le récit de ce qui lui était arrivé. Il le fit sans en rien déguiser et sans aucune exagération, et lorsqu’il l’eut terminé, les détails qu’il venait de donner, joints à ceux qu’on avait déjà, prouvèrent si bien que les Hurons avaient été dupes des ruses de Duncan et de la Longue-Carabine, qu’il ne resta plus le moindre prétexte à la superstition pour prétendre qu’un pouvoir surnaturel avait eu quelque part aux événements de cette nuit-là. Il n’était que trop évident qu’ils avaient été trompés de la manière la plus insultante.

Lorsqu’il eut cessé de parler, tous les guerriers, car tous ceux qui avaient pu trouver place dans la chambre du conseil y étaient entrés pour l’écouter, se regardèrent les uns les autres, également étonnés de l’audace inconcevable de leurs ennemis, et du succès qu’elle avait obtenu. Mais ce qui les occupait par-dessus tout, c’était le moyen d’en tirer vengeance.

Un certain nombre de guerriers partirent encore pour chercher à découvrir les traces des fugitifs ; et pendant ce temps les chefs délibérèrent de nouveau.