Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/379

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sur sa victime un regard plein d’une amère ironie ; elle est d’une race de marchands, et elle veut vendre un regard favorable. Que le grand Tamenund prononce.

— Que veux-tu ?

— Magua ne veut rien que ce qu’il a lui-même amené ici.

— Eh bien ! pars avec ce qui t’appartient. Le grand Manitou défend qu’un Delaware soit injuste.

Magua s’avança, et saisit sa captive par le bras ; les Delawares reculèrent en silence, et Cora, comme si elle sentait que de nouvelles instances seraient inutiles, parut résignée à se soumettre à son sort.

— Arrêtez, arrêtez ! s’écria Duncan en s’élançant en avant. Huron, écoute la pitié ! Sa rançon te rendra plus riche qu’aucun de tes pareils n’a jamais pu l’être.

— Magua est une Peau-Rouge ; il n’a pas besoin des colifichets des blancs.

— De l’or, de l’argent, de la poudre, du plomb, tout ce qu’il faut à un guerrier, sera dans ton wigwam ; tout ce qui convient au plus grand chef.

— Le Renard-Subtil est bien fort, s’écria Magua en agitant avec violence la main qui avait saisi le bras de Cora, il a pris sa revanche.

— Puissant maître du monde, dit Heyward en serrant ses mains l’une contre l’autre dans l’agonie du désespoir, de pareils attentats seront-ils permis ! c’est à vous que j’en appelle, juste Tamenund, ne vous laisserez-vous pas fléchir ?

— Le Delaware a parlé, répondit le sage en fermant les yeux et en baissant la tête, comme si le peu de forces qui lui restaient avaient été absorbées par tant d’émotions diverses. — Les hommes ne parlent pas deux fois.

— Il est sage, il est raisonnable, dit Œil-de-Faucon en faisant signe à Duncan de ne pas l’interrompre, qu’un chef ne perde pas son temps à revenir sur ce qui a été prononcé ; mais la prudence veut aussi qu’un guerrier fasse de mûres réflexions avant de frapper de son tomahawk la tête de son prisonnier. Huron, je ne vous aime pas, et je ne dirai point qu’aucun Mingo ait jamais eu beaucoup à se louer de moi. On peut en conclure sans peine que si cette guerre ne finit pas bientôt, un grand nombre de vos guerriers apprendront ce qu’il en coûte de me rencontrer dans les bois.