Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/388

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absorba un moment tous les autres souvenirs. Après avoir examiné d’un coup d’œil vif et intelligent si rien n’était dérangé à son arme chérie, il en fit jouer le ressort dix ou quinze fois, et après s’être assuré qu’elle était en bon état, il se tourna vers l’enfant et lui demanda avec la bonté la plus compatissante s’il n’était pas blessé. Celui-ci le regarda d’un air de fierté, mais ne répondit point.

— Pauvre enfant, les coquins t’ont percé le bras ! s’écria le chasseur en apercevant une large blessure qui lui avait été faite par une des balles. Mais quelques feuilles d’aune froissées t’auront bientôt guéri, avec la promptitude d’un charme. Tu as commencé de bonne heure l’apprentissage du guerrier, mon brave enfant, et tu sembles destiné à porter au tombeau d’honorables cicatrices. Je connais de jeunes guerriers qui se sont signalés dans plus d’une rencontre, et qui ne portent pas des marques aussi glorieuses ! Allez ! ajouta-t-il en finissant le pansement du jeune blessé, un jour vous deviendrez un chef.

L’enfant s’éloigna, plus fier du sang qui sortait de sa blessure que le courtisan le plus vain aurait pu l’être d’une brillante décoration, et il alla rejoindre ses jeunes compagnons, pour qui il était devenu un objet d’admiration et d’envie.

Mais dans un moment où tant de devoirs sérieux et importants absorbaient l’attention des guerriers, ce trait isolé de courage ne fut pas aussi remarqué qu’il n’eût pas manqué de l’être dans un moment plus calme. Il avait néanmoins servi à apprendre aux Delawares la position et les projets de leurs ennemis. En conséquence un détachement de jeunes guerriers partit aussitôt pour déloger les Hurons qui étaient cachés dans le bois ; mais déjà ceux-ci s’étaient retirés d’eux-mêmes en voyant qu’ils étaient découverts. Les Delawares les poursuivirent jusqu’à une certaine distance de leur camp, et alors ils s’arrêtèrent pour attendre des ordres, de peur de tomber dans quelque embuscade.

Cependant Uncas, cachant sous une apparence de calme l’impatience qui le dévorait, rassembla ses chefs, et leur partagea son autorité. Il présenta Œil-de-Faucon comme un guerrier éprouvé qu’il avait toujours trouvé digne de toute sa confiance. Voyant que tous s’empressaient de faire à son ami la réception la plus favorable, il lui donna le commandement de vingt hommes, braves, actifs et résolus comme lui. Il expliqua aux Delawares le rang que Heyward occupait dans les troupes des Yengeese, et il voulut