Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/398

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manière de se battre, la charge ne consistait qu’à s’avancer d’arbre en arbre en restant à couvert, mais en s’approchant toujours davantage. Cette manœuvre fut exécutée à l’instant ; elle eut d’abord tout le succès désirable. Les Hurons furent forcés de se retirer, et ils ne s’arrêtèrent que lorsqu’ils trouvèrent à se retrancher derrière un taillis épais. Ils se retournèrent alors, et le combat prit une nouvelle face ; le feu était également bien nourri des deux côtés ; la vigueur de la résistance répondait à l’ardeur de l’attaque, et il était impossible de prévoir pour qui se déciderait le sort des armes. Les Delawares n’avaient encore perdu aucun guerrier ; mais leur sang commençait à couler en abondance, par suite de la position désavantageuse qu’ils occupaient.

Dans cette nouvelle crise Œil-de-Faucon trouva moyen de se glisser derrière le même arbre qui servait déjà d’abri à Heyward ; la plupart de ses guerriers étaient un peu sur sa droite, à portée de sa voix, et ils continuaient à faire des décharges rapides mais inutiles sur leurs ennemis que le taillis protégeait.

— Vous êtes jeune, major, dit le chasseur en posant à terre le tueur de daims et en s’appuyant sur son arme favorite, un peu fatigué de l’activité qu’il venait de déployer ; vous êtes jeune, et peut-être aurez-vous occasion quelque jour de mener des troupes contre ces diables de Mingos. Vous pouvez voir ici toute la tactique d’un combat indien. Elle consiste principalement à avoir la main leste, le coup d’œil rapide et un abri tout prêt. Je suppose que vous ayez ici une compagnie des troupes royales d’Amérique, voyons un peu comment vous vous y prendriez.

— Je ferais charger ces misérables la baïonnette en avant.

— Oui, c’est ainsi que raisonnent les blancs. Mais dans ces déserts, un chef doit se demander combien il peut épargner de vies. Hélas ! ajouta-t-il en secouant la tête comme quelqu’un qui fait de tristes réflexions, je rougis de le dire, mais il viendra un temps où le cheval décidera tout dans ces escarmouches[1]. Les

  1. Les forêts américaines permettent le passage du cheval, parce qu’il y a peu de buissons et de branches pendantes. Le plan d’Œil-de-Faucon est un de ceux qui ont réussi le plus souvent dans les combats entre les blancs et les Indiens. Wayne, dans sa célèbre campagne sur le Miami, reçut le feu de ses ennemis en ligne, et alors ordonnant à ses dragons de tourner autour de ses flancs, les Indiens furent chassés de leur couvert sans avoir le temps de charger leurs armes. Un des principaux chefs qui se trouvait au combat de Miami, assura à l’auteur que les Peaux-Rouges ne pouvaient pas vaincre les guerriers qui portaient « de longs couteaux et des bas de peau » ; faisant allusion aux dragons avec leurs sabres et leurs bottes.