Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/405

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incroyables ils s’approchèrent assez des fugitifs pour voir que Cora était entraînée par les deux Hurons tandis que Magua leur montrait le chemin qu’ils devaient suivre. Dans ce moment une clarté soudaine pénétra la caverne ; les formes de la jeune fille et de ses persécuteurs se dessinèrent un instant contre le mur, et ils disparurent tous quatre. Livrés à une sorte de frénésie causée par le désespoir, Uncas et Heyward redoublèrent des efforts qui semblaient déjà plus qu’humains, et voyant une ouverture, ils s’élancèrent hors de la caverne, et se trouvèrent en face de la montagne, à temps pour apercevoir la route que les fugitifs avaient prise.

Il fallait gravir un chemin escarpé et rocailleux. Gêné par son fusil, et peut-être n’étant pas soutenu par un intérêt aussi vif pour la captive que ses compagnons, le chasseur se laissa devancer un peu ; et Heyward à son tour fut devancé par Uncas. Ils franchirent de cette manière en un instant des rocs, des précipices, qui dans d’autres circonstances auraient paru inaccessibles. Mais enfin ils se trouvèrent récompensés de leurs fatigues en voyant qu’ils gagnaient rapidement du terrain sur les Hurons, dont Cora retardait la marche.

— Arrête, chien des Wyandots ! s’écria Uncas du haut d’un roc en agitant son tomahawk ; arrête ! c’est une fille[1] delaware qui te crie de t’arrêter !

— Je n’irai pas plus loin ! s’écria Cora, s’arrêtant tout à coup sur le bord d’un précipice profond, à peu de distance du sommet de la montagne. Tu peux me tuer, détestable Huron ; je n’irai pas plus loin !

Les deux Hurons qui l’entouraient levèrent aussitôt sur elle leurs tomahawks avec cette joie cruelle que les démons gardent, dit-on, en accomplissant l’œuvre du mal ; mais Magua arrêta leurs bras. Il leur arracha leurs armes, les jeta loin de lui, et tirant son couteau, il se tourna vers sa captive, et tandis que les passions les plus violences et les plus opposées se peignaient sur sa figure :

— Femme, dit-il, choisis ou le wigwam ou le couteau du Renard-Subtil !

Cora, sans le regarder, se jeta à genoux ; tous ses traits étaient animés d’une expression extraordinaire ; elle leva les yeux, et

  1. Cette phrase est une expression de mépris adressée à l’ennemi en fuite, et qui n’a aucune liaison avec les paroles qui suivent immédiatement.