Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/55

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— Mais que diront les Mohawks ? ils lui feront des jupons, et l’obligeront à rester au wigwam[1] avec les femmes, car il ne leur paraîtra plus digne de figurer avec les hommes et parmi les guerriers.

— Le Renard connaît le chemin des grands lacs ; et il est en état de retrouver les os de ses pères.

— Allons, Magua, allons ; ne sommes-nous pas amis ? pourquoi y aurait-il une altercation entre nous ? Munro vous a promis une récompense pour vos services, et je vous en promets une autre quand vous aurez achevé de nous les rendre. Reposez vos membres fatigués, ouvrez votre valise, et mangez un morceau. Nous avons peu de temps à perdre ; quand ces dames seront un peu reposées, nous nous remettrons en route.

— Les Visages-Pâles sont les chiens de leurs femmes, murmura l’Indien en sa langue naturelle ; et quand elles ont envie de manger, il faut que leurs guerriers quittent le tomahawk pour nourrir leur paresse.

— Que dites-vous, le Renard ?

— Le Renard dit : C’est bon. L’Indien leva les yeux sur Heyward avec une attention marquée ; mais, rencontrant ses regards, il détourna la tête, s’assit par terre avec nonchalance, ouvrit sa valise, en tira quelques provisions, et se mit à manger, après avoir jeté autour de lui un coup d’œil de précaution.

— C’est bien, dit le major ; le Renard aura des forces et de bons yeux pour retrouver le chemin demain matin. Il se tut un instant en entendant dans le lointain un bruit léger de feuillages agités ; mais, sentant la nécessité de distraire l’attention du sauvage, il ajouta sur-le-champ : — Il faudra nous mettre en route avant le lever du soleil, sans quoi Montcalm pourrait se trouver sur notre passage, et nous boucher le chemin du fort.

Pendant qu’il parlait ainsi, la main de Magua tomba sur sa cuisse ; quoique ses yeux fussent fixés sur la terre, sa tête était tournée de côté, ses oreilles même semblaient se dresser ; il était dans une immobilité complète ; en un mot, tout son extérieur était celui d’une statue représentant l’attention.

Heyward, qui surveillait tous ses mouvements avec vigilance,

  1. Le wigwam est la tente des sauvages, et signifie aussi le camp ou le village d’une tribu, etc.