Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/56

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dégagea doucement son pied droit de l’étrier, et avança la main vers la peau d’ours qui couvrait ses pistolets d’arçon, dans l’intention d’en prendre un ; mais ce projet fut déjoué par la vigilance du coureur, dont les yeux, sans se fixer sur rien, et sans mouvement apparent, semblaient tout voir en même temps. Tandis qu’il hésitait sur ce qu’il avait à faire, l’Indien se leva doucement et avec tant de précaution, que ce mouvement ne causa pas le moindre bruit. Heyward sentit alors qu’il devenait urgent de prendre un parti, et, passant une jambe par-dessus sa selle, il descendit de cheval, déterminé à retenir de force son perfide compagnon, et comptant sur sa vigueur pour y réussir. Cependant, pour ne pas lui donner l’alarme, il conserva encore un air de calme et de confiance.

— Le Renard-Subtil ne mange pas, dit-il en lui donnant le nom qui paraissait flatter davantage la vanité de l’Indien ; son grain n’a-t-il pas été bien apprêté ? il a l’air trop sec. Veut-il me permettre de l’examiner ?

Magua le laissa porter la main dans sa valise, et souffrit même qu’elle touchât la sienne, sans montrer aucune émotion, sans rien changer à son attitude d’attention profonde. Mais quand il sentit les doigts du major remonter doucement le long de son bras nu, il le renversa d’un grand coup dans l’estomac, sauta par-dessus son corps, et en trois bonds s’enfonça dans l’épaisseur de la forêt du côté opposé, en poussant un cri perçant. Un instant après, Chingachgook arriva sans bruit comme un spectre, et s’élança à la poursuite du fuyard ; un grand cri d’Uncas sembla annoncer qu’il l’avait aperçu ; un éclair soudain illumina un moment la forêt, et la détonation qui le suivit prouva que le chasseur venait de tirer un coup de fusil.