Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/65

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— Ce serait changer des amis belliqueux pour des alliés inutiles. J’ai entendu dire que les Delawares ont déposé le tomahawk, et ont consenti à porter le nom de femmes[1] !

— Oui, à la honte éternelle des Hollandais et des Iroquois, qui ont dû employer le secours du diable pour les déterminer à un pareil traité ! mais je les ai connus vingt ans, et j’appellerai menteur quiconque dira que le sang qui coule dans les veines d’un Delaware est le sang d’un lâche. Vous avez chassé leurs peuplades du bord de la mer, et après cela vous voudriez croire ce que disent leurs ennemis, afin de vous mettre la conscience en repos et dormir paisiblement. — Oui, oui, tout Indien qui ne parle pas la langue des Delawares est pour moi un Iroquois, n’importe que sa peuplade ait ses villages[2] dans York ou dans le Canada.

Le major s’apercevant que l’attachement inébranlable du chasseur à la cause de ses amis, les Delawares et les Mohicans, car c’étaient deux branches de la même peuplade, paraissait devoir prolonger une discussion inutile, changea adroitement le sujet de la conversation.

— Qu’il y ait eu un traité à ce sujet, ou non, dit-il, je sais parfaitement que vos deux compagnons actuels sont des guerriers aussi braves que prudents. Ont-ils vu ou entendu quelqu’un de nos ennemis ?

— Un Indien est un homme qui se fait sentir avant de se laisser voir, répondit le chasseur en jetant nonchalamment par terre le daim qu’il portait sur ses épaules ; je me fie à d’autres signes que ceux qui peuvent frapper les yeux, quand je me trouve dans le voisinage des Mingos.

— Vos oreilles vous ont-elles appris qu’ils aient découvert notre retraite ?

— J’en serais bien fâché, quoique nous soyons dans un lieu où l’on pourrait soutenir une bonne fusillade. Je ne nierai pourtant pas que les chevaux n’aient tremblé lorsque je passais près d’eux tout à l’heure, comme s’ils eussent senti le loup ; et un loup est un animal qui rôde souvent à la suite d’une troupe d’Indiens,

  1. Le lecteur se rappellera que New-York était originairement une colonie hollandaise.
  2. Castles. Les principaux villages des Indiens sont encore appelés châteaux (castles) par les blancs de New-York. Oneida-Castle n’est plus qu’un hameau à moitié ruiné ; cependant ce nom lui est encore conservé.