Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/98

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à un combat dans lequel ils ont reconnu qu’ils ont beaucoup plus à perdre qu’à gagner.

— Il est possible qu’il se passe une heure, deux heures, répondit Œil-de-Faucon, avant que les maudits Serpents arrivent, comme il est possible qu’ils soient déjà à portée de nous entendre ; mais ils arriveront, et de manière à ne nous laisser aucune espérance. — Chingachgook, mon frère, ajouta-t-il en se servant alors de la langue des Delawares, nous venons de combattre ensemble pour la dernière fois, et les Maquas pousseront le cri de triomphe en donnant la mort au sage Mohican et au Visage-Pâle dont ils redoutaient la vue la nuit comme le jour.

— Que les femmes des Mingos pleurent leur mort ! dit Chingachgook avec sa dignité ordinaire et avec une fermeté inébranlable ; le Grand-Serpent des Mohicans s’est introduit dans les wigwams, et il a empoisonné leur triomphe par les cris des enfants dont les pères n’y rentreront jamais. Onze guerriers ont été étendus sur la terre, loin des tombeaux de leurs pères, depuis la dernière fonte des neiges, et personne ne dira où l’on peut les trouver, tant que la langue de Chingachgook gardera le silence. Qu’ils tirent leur couteau le mieux affilé, qu’ils lèvent leur tomahawk le plus lourd, car leur plus dangereux ennemi est entre leurs mains. Uncas, mon fils, dernière branche d’un noble tronc, appelle-les lâches, dis-leur de se hâter, ou leurs cœurs s’amolliront, et ils ne seront plus que des femmes.

— Ils sont à la pêche de leurs morts, répondit la voix douce et grave du jeune Indien ; les Hurons flottent dans la rivière avec les anguilles ; ils tombent des chênes comme le fruit mûr, et les Delawares en rient.

— Oui, oui, dit le chasseur, qui avait écouté les discours caractéristiques des deux Indiens ; ils s’échauffent le sang, et ils exciteront les Maquas à les expédier promptement : mais quant à moi dont le sang est sans mélange, je saurai mourir comme doit mourir un blanc, sans paroles insultantes dans la bouche, et sans amertume dans le cœur.

— Et pourquoi mourir ? dit en s’avançant vers lui Cora, que la terreur avait retenue jusqu’alors appuyée sur le rocher ; le chemin vous est ouvert en ce moment ; vous êtes sans doute en état de traverser cette rivière à la nage ; fuyez dans les bois que vos ennemis viennent de quitter, et invoquez le secours du ciel. Allez,