Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/154

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soin, et dont j’ai extrait la balle que j’ai encore dans ma poche. Comme il paraît que vous avez dessein de prendre ce jeune homme chez vous, monsieur Temple, je suppose qu’il vaudra mieux que je ne fasse qu’un seul mémoire pour l’opération et les soins subséquents ?

— Oui, je pense qu’un seul mémoire suffira, répliqua Marmaduke avec un de ces sourires équivoques qui lui étaient familiers, et qu’on n’aurait pu dire s’il fallait l’attribuer à l’ironie ou à la bonne humeur.

Cependant Hollister, aidé de quelques-unes de ses pratiques, avait emporté le vieil Indien dans sa grange ; il l’y étendit sur la paille, et John Mohican y dormit paisiblement jusqu’au lendemain.

Pendant ce temps, le major vidait autant de pots de toddy qu’il fumait de pipes de tabac, et commençait à devenir aussi d’une gaieté bruyante. La nuit était fort avancée, ou plutôt elle avait fait place au matin, quand il montra quelque intention de retourner à ce que les villageois appelaient la grande maison. La salle était alors presque vide ; mais Marmaduke connaissait trop bien les goûts et les habitudes de son vieil ami pour faire plus tôt la proposition de se retirer. Il profita, pour se lever, de la première occasion que lui en offrit le vétéran allemand, et il partit avec lui et Richard Jones. Mistress Hollister les accompagna jusqu’à la porte, en leur recommandant de marcher avec précaution.

— Prenez le bras de M. Jones, major ; il est le plus jeune, et c’est à lui à vous soutenir. C’est un plaisir de vous voir tous au Hardi Dragon, et, à coup sûr, il n’y a pas de mal à passer gaiement la veille de Noël ; qui sait ce qui peut arriver avant que nous en voyions une autre ? Bonsoir, juge ; je vous souhaite à tous trois d’heureuses fêtes de Noël.

Ils prirent le milieu de la rue, où la neige était bien battue, Marmaduke marchant à l’avant-garde d’un pas assez ferme, et ses deux satellites le suivirent d’abord assez passablement. Mais quand ils quittèrent la rue pour entrer dans les domaines du juge, n’ayant plus de chemin tracé pour les guider, il leur devint impossible de suivre une ligne droite ; ils divergèrent considérablement, et quand M. Temple arriva à sa porte, il s’aperçut qu’il était seul. Il retourna sur ses pas, et, suivant les traces de ses deux amis, il les trouva enterrés jusqu’au cou dans la neige, où ils étaient tombés. Ayant réussi, non sans quelque peine, à les