Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/203

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fondait sous les premiers rayons du soleil, ils étaient obligés de marcher à la suite l’un de l’autre, sur une seule ligne, sur le bord du chemin, où le terrain plus solide donnait aux pieds des chevaux un appui plus sûr. On ne voyait encore que peu de symptômes de végétation, et la surface de la terre présentait un aspect nu, froid et humide, qui glaçait presque le sang des colons. Une partie des terres défrichées étaient encore sous une couverture de neige ; mais partout où le soleil avait été assez chaud pour la fondre, un brillant et riche tapis de verdure nourrissait les espérances du cultivateur. Rien ne pouvait être plus marqué que le contraste qu’offraient la terre et le firmament ; car, tandis que le sol présentait partout un aspect uniforme et stérile, à l’exception du petit nombre d’endroits qui, comme nous venons de le dire, laissaient apercevoir la première verdure du froment, le soleil, du haut des cieux, lançait des rayons pénétrants qui répandaient une chaleur vivifiante à travers une atmosphère qui semblait une mer d’azur.

— Voilà ce qui s’appelle un vrai temps à sucre, s’écria Richard ; de la gelée de nuit, et de la chaleur du matin. Je garantis que la sève coule en ce moment dans les érables, comme l’eau sous la roue d’un moulin. Comment se fait-il, cousin ’Duke, que vous n’appreniez pas à vos fermiers à fabriquer leur sucre d’après des principes un peu plus scientifiques ? Il ne faut pas pour cela être aussi savant que le docteur Franklin, juge Temple.

— Le premier objet de ma sollicitude, répondit Marmaduke, c’est de conserver cette source de richesses et d’agréments, et d’empêcher que l’extravagance des colons ne l’épuise. Ce but important une fois atteint, il sera assez temps de chercher à perfectionner la fabrication de cette denrée. Mais vous savez, Richard, que j’ai déjà soumis notre sucre d’érable aux procédés de la raffinerie, et que j’ai obtenu des pains de sucre aussi blancs que la neige que vous voyez sur ces campagnes.

— Mais songez donc, cousin ’Duke, répliqua Richard, que vous n’avez jamais fait un pain de sucre plus gros qu’une prune de moyenne taille. Or, je soutiens qu’on ne peut bien juger d’une expérience que lorsque le résultat peut en être utile en pratique. Si j’étais, comme vous, propriétaire de cent ou de deux cent mille acres de forêt, je ferais bâtir une raffinerie de sucre dans le village ; j’inviterais des hommes instruits à y faire un cours d’expé-