Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/210

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en examinant sa peau, et en lui tâtant le pouls, dit Richard.

— Monsieur Jones n’en est pas loin, continua Billy. C’est bien certainement en examinant l’arbre et l’écorce que j’en juge. Eh bien ! quand les arbres ont produit assez de sève, j’emplis mes chaudières et j’allume mon feu. D’abord il faut qu’il soit assez vif pour que l’eau s’évapore plus vite ; mais quand la liqueur commence à s’épaissir et à ressembler à de la mélasse, comme ce que vous voyez dans cette chaudière, il ne faut pas pousser le feu trop fort, sans quoi vous brûleriez le sucre, et sucre brûlé n’est jamais bon. Alors vous versez la liqueur à la cuiller d’une chaudière dans une autre, et vous l’y laissez jusqu’à ce qu’en y enfonçant un bâton, il s’y attache comme des fils quand vous l’en retirez. Or, cela demande du soin et de l’habileté. Lorsque le sucre s’est formé en grains, il y a des gens qui mettent de l’argile au fond des formes ; mais cela n’est pas général ; les uns le font, les autres ne le font pas. Eh bien ! monsieur Le Quoi, ferons-nous un marché ensemble ?

— Je vous donnerai de ce sucre dix sous la livre, monsieur Billy.

M. Le Quoi avait prononcé les mots dix sous en français, et Billy Kirby ne le comprit pas.

— Non, non, dit-il c’est de l’argent qu’il me faut. Cependant si vous voulez faire un troc, je vous donnerai le produit de cette chaudière pour un gallon de rhum, et si vous y ajoutez de la toile pour deux chemises, j’y joindrai la mélasse. Vous pouvez compter qu’elle est bonne ; je ne voudrais pas vous tromper. J’y ai goûté ; jamais meilleure mélasse n’est sortie du cœur d’un érable.

— Monsieur Le Quoi vous offre dix pence de la livre, dit Edwards.

— Oui, oui, dix pence, dit M. Le Quoi. Je vous remercie, Monsieur : mon pauvre anglais, je l’oublie toujours.

Kirby les regarda l’un après l’autre, comme s’il eût cru qu’ils voulaient s’amuser à ses dépens. Il prit une énorme cuiller, et se mit à remuer le liquide bouillant. L’en retirant ensuite bien remplie, il en fit retomber une partie dans la chaudière, et l’ayant agitée en l’air quelques instants, comme pour refroidir le surplus, il la présentas M. Le Quoi.

— Goûtez-moi cela, lui dit-il, et vous pourrez en juger. La mélasse seule vaut ce que je vous en demande.